ActualitéBlogrollHistoirePolitiqueWeblogs

Huit ans après la chute du colonel Kadhafi, la Libye est plus fragmentée que jamais. Depuis la chute du colonel Khadafi en 2011, la Libye s’est enlisée dans une spirale destructrice ayant des conséquences en Afrique du Nord, dans le Sahel et toute la Méditerranée. Selon les données statistiques des Nations Unies, le conflit aurait fait près de 60 000 victimes; les violences, notamment les attaques menées contre les installations pétrolières, ont perturbé l’économie libyenne. Les déplacés et les réfugiés se sont multipliés à l’intérieur du pays et dans les pays voisins. Environ 200 000 personnes sont toujours déplacées à l’intérieur des frontières, en décembre 2018.

La production et l’exportation du pétrole, qui représente la quasi-totalité des exportations libyennes, ont chuté de plus de 80 % par rapport aux niveaux d’avant guerre. L’absence d’une organisation étatique sûre a offert à plusieurs groupes criminels un terrain privilégié pour diriger des portions entières de territoire et se livrer aux trafics de drogue, d’armes et de migrants. Des activités très rentables avec une haute cotation de rémunération.

Selon le dernier mémorandum de l’organisation internationale Human Rights Watch, des milices incontrôlées, dont certaines ont des liens avec les ministères de l’Intérieur et de la Défense du gouvernement d’union nationale (GUN) et d’autres avec l’Armée nationale libyenne (ANL) affiliée à son rival ont continué de s’affronter dans diverses régions du pays, tandis que les efforts pour réconcilier les principaux partis dans l’est et l’ouest de la Libye ont échoué. Dans le sud, des groupes armés touaregs et arabes ont eux aussi continué de s’affronter pour s’assurer le contrôle de portions de territoire et de ressources. Ces groupes armés ont commis des exécutions extrajudiciaires et mené des attaques contre des civils et contre leurs biens; d’autres ont commis des enlèvements et des actes de torture et fait disparaître de force certaines personnes.Ces milices salafistes, laïques ou tribales se répartissent sur l’ensemble du territoire. Le GUN a eu des difficultés à étendre son contrôle sur le territoire et les institutions dans l’ouest de la Libye. L’ANL, commandée par le général Khalifa Hiftar et alliée au gouvernement provisoire, a étendu son contrôle sur des territoires situés dans l’est et dans le sud.

Au contraire, les mouvements djihadistes Ansar Al-Charia et l’État islamique demeurent de manière solide dans certaines villes: Syrte, Benghazi, Derna, Tripoli. Daech a commis plusieurs attaques dans lesquelles des civils et des membres des forces de sécurité ont été tués. Le 2 mai 2018, Daech a revendiqué la responsabilité d’une attaque contre le HCNE à Tripoli qui, selon des informations de presse, a fait 14 morts, pour la plupart des employés du Haut-Commissariat, et au moins 19 blessés. L’État islamique s’est même déclaré responsable d’une attaque perpétrée le 29 octobre 2018 contre al-Foqha, une ville du centre de la Libye. L’attaque a produit le décès de quatre civils – dont deux ont été exécutés en public – et l’enlèvement d’au moins d’autres neufs individus selon la mission ONU en Libye.

«La complexité de la guerre – écrit Archibal Gallet de l’Institut de relations internationales IFRI – vient du fait que la Libye doit faire face en réalité à une superposition de conflits. À l’échelle nationale, la confrontation entre anciennes et nouvelles élites recoupe partiellement un clivage entre islamistes et sécularistes, mais trouve d’abord ses racines dans la concurrence économique entre les différentes villes du littoral. Au niveau international, la Libye constitue désormais un front opposant le djihadisme international aux puissances séculières de la région. L’État islamique a signé par le sang sa présence en Libye et en Tunisie, revendiquant une série d’attaques et d’exécutions suivant le mode opératoire de son pendant irakien. L’Égypte et les Émirats interviennent directement dans le conflit […], tandis que le Qatar et le Soudan soutiennent certaines milices islamistes en Cyrénaïque. Le sud du pays, qui jouit d’une autonomie de fait, est devenu le refuge de bandes armées de toutes origines ayant pris part aux différents conflits régionaux ». Les États-Unis ont continué d’effectuer ce qu’ils appellent des « frappes aériennes de précision » contre des objectifs appartenant à Daech et à Al-Qaïda dans le sud et l’ouest du pays.

À l’échelle internationale, il y a en outre une compétition pour les ressources : à la frontière entre Cyrénaïque et Tripolitaine, le golfe de Syrte comprend les principaux ports et raffineries du pays, ainsi que plusieurs champs pétroliers dans un rayon de 200 km à l’intérieur des côtes. Le sud-est du pays présente également plusieurs intérêts stratégiques, tout aussi âprement disputés. Le contrôle des revenus liés à la protection des installations d’extraction pétrolière autour des champs de Sharara et de Fil a donné lieu, dès 2013, à de constantes frictions entre milices de Zintan et Touaregs. Parallèlement au pipeline qui relie les champs pétroliers du sud-ouest à la capitale, coule la Great Man Made River (un Canal souterrain qui, depuis 1997, irrigue la côte libyenne d’eaux fossiles pompées dans les nappes sahariennes) à travers les montagnes du Jebel Nafusa, fief de Zintan dont les milices se sont retirées de Tripoli. Les Zintanis ont à plusieurs reprises menacé d’assécher le littoral, sans mettre à ce jour leur menace à exécution.

Le 8 novembre 2018, le représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), Ghassan Salamé a déclaré au Conseil de sécurité que « 80% des Libyens insistent sur la tenue des élections et ils sont fatigués de l’aventurisme et des petites manœuvres politiques ». Pour les Nations Unies, il faut donc soutenir le processus politique. Selon Ghassan Salamé, les Libyens veulent avancer avec la Conférence nationale pour avoir un processus électoral au printemps 2019. L’approche du Représentant spécial de l’ONU est soutenue par plusieurs membres du Conseil de sécurité, inquiets de l’impasse dans laquelle se trouve le processus politique en Libye, en raison de l’incapacité de la Chambre des représentants d’adopter la loi électorale. C’est le manque de volonté politique des dirigeants libyens, réticents à regarder au-delà de leurs intérêts personnels, qui bloque le processus politique dans le pays. En Libye, le statu quo est « intenable » a reconnu la Suède, tandis que la France estime que seules des élections peuvent produire une stabilité politique indispensable pour sortir de ce statu quo. Pour l’Éthiopie, toutes les conditions législatives, politiques et sécuritaires doivent être réunies en Libye pour faciliter la tenue d’élections crédibles et acceptables aux yeux de toute la population. La réunion nationale à Tripoli prévue pour le mois d’avril 2019 pourra-t-elle être une occasion pour sortir de l’impasse politique et du conflit permanent ?

Le Représentant spécial ONU pour la Libye a expliqué mercredi 20 mars 2019 au Conseil de sécurité que la Conférence nationale, prévue pour le mois d’avril, est une « occasion cruciale » de mettre fin à une période de transition de huit ans et une situation qui a atteint un « point critique ». Selon lui, le peuple libyen, qui souhaite « ardemment » l’unification des institutions du pays, se heurte à des puissances qui ont profité du chaos et de la division et qui sont réticentes à aller de l’avant. Prévue du 14 au 16 avril, en Libye, la Conférence nationale doit être l’occasion d’établir une feuille de route pour mettre une limite à la période de transition, grâce à l’organisation des élections législatives et présidentielles. Selon Ghassan Salamé, la Libye est prête pour cette réunion nationale afin de mettre une limite au « bras de fer » entre tous les sujets politiques et édifier un gouvernement qui placerait l’intérêt suprême des citoyens au-dessus de tout, en rejetant les divisions.

Le représentant spécial a d’ailleurs indiqué qu’après deux cycles de pourparlers, facilités par la Mission de l’ONU, le premier ministre Faiez Mustafa Serraj et le général Khalifa Haftar se sont mis d’accord sur le fait que la Libye doit être un État civil gouverné démocratiquement, jouissant d’un contrôle totalement civil de l’armée et d’une transition pacifique du pouvoir. La Conférence nationale du mois d’avril 2019 est donc une occasion pour le pays, mais aussi pour l’entière région de l’Afrique du Nord. L’échec, au contraire, serait la suite du conflit avec des conséquences ravageuses dans le Sahel et toute la Méditerranée.

Antonio Torrenzano

ActualitéBlogrollWeblogs

un-syrien-porte-le-corps-d-un-enfant-apres-une-frappe-des-fo_imageLes consultations sur le conflit syrien à Genève se poursuivront pour tout le mois de juillet. Au début, les rencontres devaient durer six semaines avec la participation des représentants du régime de Damas, de la coalition de l’opposition en exil ainsi qu’une multitude d’ambassadeurs et représentants diplomatiques dont l’Iran. L’émissaire onusien Staffan de Mistura, nommé il y a presque un an, mène depuis le 5 mai 2015 des rencontres séparées avec les protagonistes du conflit syrien.

Selon L’ONU, les discussions ont pour objectif de voir si les protagonistes sont prêts à passer du stade d’une consultation informelle à une négociation basée sur le communiqué de Genève du 30 juin 2012. Staffan de Mistura, il a souligné plusieurs fois qu’il existerait un consensus selon lequel il ne peut y avoir de solution militaire à la tragédie syrienne. Mais, au contraire, seulement une solution politique pourrait répondre aux aspirations du peuple syrien et mettre fin à cette terrible guerre de manière durable. À la fin du mois de juin, le médiateur des Nations unies pour la Syrie est parti à New York pour rendre compte de sa mission au secrétaire général Ban Ki-moon et, par la suite, au Conseil de sécurité.

La situation sur le terrain reste toutefois très grave. La Syrie est sur le point de se désintégrer sous les coups de plusieurs groupes armés extrémistes. Les rebelles ont formé dans les premiers jours de ce mois une nouvelle coalition dénommée Ansar al-Charia. Cette nouvelle coalition serait menée par le Front al-Nosra (branche d’el-Qaëda en Syrie) ensemble avec le groupe salafiste Ansar el-Cham. Ce groupe dirigé par al-Nosra a attaqué la ville d’Alep. Le même a remporté des victoires à Jisr al-Choughour, Idleb et Ariha. Ils semblent être quelques milliers de combattants et ont une réelle possibilité de prendre la ville. De sa part, l’armée syrienne est affaiblie et son allié iranien l’encourage à se replier sur le littoral. Si la ville d’Alep tombe, c’est la preuve que le régime est véritablement sur la défensive et qu’il ne peut plus espérer reconquérir des territoires. Si al-Nosra prend Alep, la ville pourra devenir sa capitale. Mais, ce groupe armé sera très vite confronté à un nouveau souci : l’État islamique. Daech ira essayer à son tour de prendre Alep et alors on pourrait assister à un combat entre les deux mouvements jihadistes.

En outre, beaucoup de Syriens ont déjà assimilé l’idée d’une partition du pays, notamment le clan des alaouites. Les alaouites ne veulent plus se battre pour défendre des villes aux quatre coins du pays. Le régime ne gouverne plus aujourd’hui que 30 % de l’ensemble du territoire en Syrie. Depuis les sévères revers subis dans le Nord, Idleb et Jisr el-Choughour, le pouvoir à Damas éprouve de nombreuses difficultés à surmonter cette crise militaire. Ces lourdes pertes ont amené l’armée du régime à prendre conscience de la nécessité de se réorganiser. En ce qui concerne en revanche le nombre de réfugiés, il dépasse désormais les 4 millions, avec un million de réfugiés de plus au cours des derniers mois, comme a annoncé jeudi le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ces déplacés vivent dans des conditions d’extrême précarité et ils s’enfoncent de plus en plus dans une situation de pauvreté absolue.

Antonio Torrenzano