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un-syrien-porte-le-corps-d-un-enfant-apres-une-frappe-des-fo_imageLes consultations sur le conflit syrien à Genève se poursuivront pour tout le mois de juillet. Au début, les rencontres devaient durer six semaines avec la participation des représentants du régime de Damas, de la coalition de l’opposition en exil ainsi qu’une multitude d’ambassadeurs et représentants diplomatiques dont l’Iran. L’émissaire onusien Staffan de Mistura, nommé il y a presque un an, mène depuis le 5 mai 2015 des rencontres séparées avec les protagonistes du conflit syrien.

Selon L’ONU, les discussions ont pour objectif de voir si les protagonistes sont prêts à passer du stade d’une consultation informelle à une négociation basée sur le communiqué de Genève du 30 juin 2012. Staffan de Mistura, il a souligné plusieurs fois qu’il existerait un consensus selon lequel il ne peut y avoir de solution militaire à la tragédie syrienne. Mais, au contraire, seulement une solution politique pourrait répondre aux aspirations du peuple syrien et mettre fin à cette terrible guerre de manière durable. À la fin du mois de juin, le médiateur des Nations unies pour la Syrie est parti à New York pour rendre compte de sa mission au secrétaire général Ban Ki-moon et, par la suite, au Conseil de sécurité.

La situation sur le terrain reste toutefois très grave. La Syrie est sur le point de se désintégrer sous les coups de plusieurs groupes armés extrémistes. Les rebelles ont formé dans les premiers jours de ce mois une nouvelle coalition dénommée Ansar al-Charia. Cette nouvelle coalition serait menée par le Front al-Nosra (branche d’el-Qaëda en Syrie) ensemble avec le groupe salafiste Ansar el-Cham. Ce groupe dirigé par al-Nosra a attaqué la ville d’Alep. Le même a remporté des victoires à Jisr al-Choughour, Idleb et Ariha. Ils semblent être quelques milliers de combattants et ont une réelle possibilité de prendre la ville. De sa part, l’armée syrienne est affaiblie et son allié iranien l’encourage à se replier sur le littoral. Si la ville d’Alep tombe, c’est la preuve que le régime est véritablement sur la défensive et qu’il ne peut plus espérer reconquérir des territoires. Si al-Nosra prend Alep, la ville pourra devenir sa capitale. Mais, ce groupe armé sera très vite confronté à un nouveau souci : l’État islamique. Daech ira essayer à son tour de prendre Alep et alors on pourrait assister à un combat entre les deux mouvements jihadistes.

En outre, beaucoup de Syriens ont déjà assimilé l’idée d’une partition du pays, notamment le clan des alaouites. Les alaouites ne veulent plus se battre pour défendre des villes aux quatre coins du pays. Le régime ne gouverne plus aujourd’hui que 30 % de l’ensemble du territoire en Syrie. Depuis les sévères revers subis dans le Nord, Idleb et Jisr el-Choughour, le pouvoir à Damas éprouve de nombreuses difficultés à surmonter cette crise militaire. Ces lourdes pertes ont amené l’armée du régime à prendre conscience de la nécessité de se réorganiser. En ce qui concerne en revanche le nombre de réfugiés, il dépasse désormais les 4 millions, avec un million de réfugiés de plus au cours des derniers mois, comme a annoncé jeudi le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ces déplacés vivent dans des conditions d’extrême précarité et ils s’enfoncent de plus en plus dans une situation de pauvreté absolue.

Antonio Torrenzano

 

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syrie_refugies_onu_imageConversation avec Frédéric Pichon, chercheur associé à l’institut Monde Arabe Méditerranée de l’université François-Rabelais de Tours. Il vient de publier un livre consacré au conflit syrien : «Syrie, pourquoi l’Occident s’est trompé.» aux éditions du Rocher, 2014. Pour l’auteur, l’élection présidentielle en Syrie du 3 juin ne manque pas d’intérêt.

Bruno Besson. Pourquoi cette élection en pleine guerre ?

 

Frédéric Pichon. Cela résulte de la modification de la Constitution syrienne en 2012. Il y a plusieurs candidats, mais, évidemment, personne n’est dupe sur les chances des deux concurrents d’Assad. N’empêche, on peut estimer que la moitié des électeurs pourra voter, car si l’opposition contrôle la moitié du territoire, la majorité de la population est dans la zone sous contrôle gouvernemental. Quant au processus électoral lui-même, il faut arrêter l’hypocrisie : à Cuba, il n’y en a pas eu depuis soixante ans ! Quant aux pays du Golfe… »

 

Bruno Besson. Cela va changer quoi à la situation syrienne ?

 

Frédéric Pichon. Rien à la situation de la population tant que durera la guerre. Mais, sur le fond, Assad ayant tenu le choc, à l’occasion de cette élection, de plus en plus de ses opposants politiques, de guerre lasse, n’hésitent plus à dire publiquement qu’ils préfèrent désormais le régime aux djihadistes. Ensuite, Assad réélu, pourra se présenter aux yeux des démocraties comme leur allié dans la lutte contre le terrorisme, ce qui, il ne faut pas s’y tromper, lui donne une certaine légitimité : il vaut peut-être mieux traiter avec lui qu’avec ceux qui le combattent – et nous combattent au Mali – les armes à la main. Plusieurs pays l’ont compris et les mêmes rouvrent leurs ambassades (l’Union européenne n’a jamais fermé la sienne).

 

Bruno Besson. Assad notre allié contre le terrorisme, est-ce crédible ?

 

Frédéric Pichon. D’ores et déjà, mais évidemment sans publicité, la France ne traite plus tout à fait Assad comme au début de la guerre : d’ailleurs, un diplomate français fait maintenant, discrètement, la navette régulière entre Paris et Damas. Et quand Paris demande à Damas de l’aider à “traiter” le problème des djihadistes français en Syrie, Assad répond qu’il attend d’abord la réouverture de l’ambassade de France à Damas… Enfin, Paris n’ignore pas le rôle de ses amis qataris dans le recrutement et le financement du djihadisme (y compris français) en Syrie, confirmé par plusieurs sources, notamment des associations internationales de défense de droits de l’homme.

 

Bruno Besson

 

*Un particulier remerciement à la publication La Nouvelle République (http://www.lanouvellerepublique.fr/) pour l’entretien de Bruno Besson.