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Huit ans après la chute du colonel Kadhafi, la Libye est plus fragmentée que jamais. Depuis la chute du colonel Khadafi en 2011, la Libye s’est enlisée dans une spirale destructrice ayant des conséquences en Afrique du Nord, dans le Sahel et toute la Méditerranée. Selon les données statistiques des Nations Unies, le conflit aurait fait près de 60 000 victimes; les violences, notamment les attaques menées contre les installations pétrolières, ont perturbé l’économie libyenne. Les déplacés et les réfugiés se sont multipliés à l’intérieur du pays et dans les pays voisins. Environ 200 000 personnes sont toujours déplacées à l’intérieur des frontières, en décembre 2018.

La production et l’exportation du pétrole, qui représente la quasi-totalité des exportations libyennes, ont chuté de plus de 80 % par rapport aux niveaux d’avant guerre. L’absence d’une organisation étatique sûre a offert à plusieurs groupes criminels un terrain privilégié pour diriger des portions entières de territoire et se livrer aux trafics de drogue, d’armes et de migrants. Des activités très rentables avec une haute cotation de rémunération.

Selon le dernier mémorandum de l’organisation internationale Human Rights Watch, des milices incontrôlées, dont certaines ont des liens avec les ministères de l’Intérieur et de la Défense du gouvernement d’union nationale (GUN) et d’autres avec l’Armée nationale libyenne (ANL) affiliée à son rival ont continué de s’affronter dans diverses régions du pays, tandis que les efforts pour réconcilier les principaux partis dans l’est et l’ouest de la Libye ont échoué. Dans le sud, des groupes armés touaregs et arabes ont eux aussi continué de s’affronter pour s’assurer le contrôle de portions de territoire et de ressources. Ces groupes armés ont commis des exécutions extrajudiciaires et mené des attaques contre des civils et contre leurs biens; d’autres ont commis des enlèvements et des actes de torture et fait disparaître de force certaines personnes.Ces milices salafistes, laïques ou tribales se répartissent sur l’ensemble du territoire. Le GUN a eu des difficultés à étendre son contrôle sur le territoire et les institutions dans l’ouest de la Libye. L’ANL, commandée par le général Khalifa Hiftar et alliée au gouvernement provisoire, a étendu son contrôle sur des territoires situés dans l’est et dans le sud.

Au contraire, les mouvements djihadistes Ansar Al-Charia et l’État islamique demeurent de manière solide dans certaines villes: Syrte, Benghazi, Derna, Tripoli. Daech a commis plusieurs attaques dans lesquelles des civils et des membres des forces de sécurité ont été tués. Le 2 mai 2018, Daech a revendiqué la responsabilité d’une attaque contre le HCNE à Tripoli qui, selon des informations de presse, a fait 14 morts, pour la plupart des employés du Haut-Commissariat, et au moins 19 blessés. L’État islamique s’est même déclaré responsable d’une attaque perpétrée le 29 octobre 2018 contre al-Foqha, une ville du centre de la Libye. L’attaque a produit le décès de quatre civils – dont deux ont été exécutés en public – et l’enlèvement d’au moins d’autres neufs individus selon la mission ONU en Libye.

«La complexité de la guerre – écrit Archibal Gallet de l’Institut de relations internationales IFRI – vient du fait que la Libye doit faire face en réalité à une superposition de conflits. À l’échelle nationale, la confrontation entre anciennes et nouvelles élites recoupe partiellement un clivage entre islamistes et sécularistes, mais trouve d’abord ses racines dans la concurrence économique entre les différentes villes du littoral. Au niveau international, la Libye constitue désormais un front opposant le djihadisme international aux puissances séculières de la région. L’État islamique a signé par le sang sa présence en Libye et en Tunisie, revendiquant une série d’attaques et d’exécutions suivant le mode opératoire de son pendant irakien. L’Égypte et les Émirats interviennent directement dans le conflit […], tandis que le Qatar et le Soudan soutiennent certaines milices islamistes en Cyrénaïque. Le sud du pays, qui jouit d’une autonomie de fait, est devenu le refuge de bandes armées de toutes origines ayant pris part aux différents conflits régionaux ». Les États-Unis ont continué d’effectuer ce qu’ils appellent des « frappes aériennes de précision » contre des objectifs appartenant à Daech et à Al-Qaïda dans le sud et l’ouest du pays.

À l’échelle internationale, il y a en outre une compétition pour les ressources : à la frontière entre Cyrénaïque et Tripolitaine, le golfe de Syrte comprend les principaux ports et raffineries du pays, ainsi que plusieurs champs pétroliers dans un rayon de 200 km à l’intérieur des côtes. Le sud-est du pays présente également plusieurs intérêts stratégiques, tout aussi âprement disputés. Le contrôle des revenus liés à la protection des installations d’extraction pétrolière autour des champs de Sharara et de Fil a donné lieu, dès 2013, à de constantes frictions entre milices de Zintan et Touaregs. Parallèlement au pipeline qui relie les champs pétroliers du sud-ouest à la capitale, coule la Great Man Made River (un Canal souterrain qui, depuis 1997, irrigue la côte libyenne d’eaux fossiles pompées dans les nappes sahariennes) à travers les montagnes du Jebel Nafusa, fief de Zintan dont les milices se sont retirées de Tripoli. Les Zintanis ont à plusieurs reprises menacé d’assécher le littoral, sans mettre à ce jour leur menace à exécution.

Le 8 novembre 2018, le représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), Ghassan Salamé a déclaré au Conseil de sécurité que « 80% des Libyens insistent sur la tenue des élections et ils sont fatigués de l’aventurisme et des petites manœuvres politiques ». Pour les Nations Unies, il faut donc soutenir le processus politique. Selon Ghassan Salamé, les Libyens veulent avancer avec la Conférence nationale pour avoir un processus électoral au printemps 2019. L’approche du Représentant spécial de l’ONU est soutenue par plusieurs membres du Conseil de sécurité, inquiets de l’impasse dans laquelle se trouve le processus politique en Libye, en raison de l’incapacité de la Chambre des représentants d’adopter la loi électorale. C’est le manque de volonté politique des dirigeants libyens, réticents à regarder au-delà de leurs intérêts personnels, qui bloque le processus politique dans le pays. En Libye, le statu quo est « intenable » a reconnu la Suède, tandis que la France estime que seules des élections peuvent produire une stabilité politique indispensable pour sortir de ce statu quo. Pour l’Éthiopie, toutes les conditions législatives, politiques et sécuritaires doivent être réunies en Libye pour faciliter la tenue d’élections crédibles et acceptables aux yeux de toute la population. La réunion nationale à Tripoli prévue pour le mois d’avril 2019 pourra-t-elle être une occasion pour sortir de l’impasse politique et du conflit permanent ?

Le Représentant spécial ONU pour la Libye a expliqué mercredi 20 mars 2019 au Conseil de sécurité que la Conférence nationale, prévue pour le mois d’avril, est une « occasion cruciale » de mettre fin à une période de transition de huit ans et une situation qui a atteint un « point critique ». Selon lui, le peuple libyen, qui souhaite « ardemment » l’unification des institutions du pays, se heurte à des puissances qui ont profité du chaos et de la division et qui sont réticentes à aller de l’avant. Prévue du 14 au 16 avril, en Libye, la Conférence nationale doit être l’occasion d’établir une feuille de route pour mettre une limite à la période de transition, grâce à l’organisation des élections législatives et présidentielles. Selon Ghassan Salamé, la Libye est prête pour cette réunion nationale afin de mettre une limite au « bras de fer » entre tous les sujets politiques et édifier un gouvernement qui placerait l’intérêt suprême des citoyens au-dessus de tout, en rejetant les divisions.

Le représentant spécial a d’ailleurs indiqué qu’après deux cycles de pourparlers, facilités par la Mission de l’ONU, le premier ministre Faiez Mustafa Serraj et le général Khalifa Haftar se sont mis d’accord sur le fait que la Libye doit être un État civil gouverné démocratiquement, jouissant d’un contrôle totalement civil de l’armée et d’une transition pacifique du pouvoir. La Conférence nationale du mois d’avril 2019 est donc une occasion pour le pays, mais aussi pour l’entière région de l’Afrique du Nord. L’échec, au contraire, serait la suite du conflit avec des conséquences ravageuses dans le Sahel et toute la Méditerranée.

Antonio Torrenzano

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Geir Pedersen, nouvel envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, a pris ses fonctions lundi 7 janvier 2019. Le diplomate norvégien âgé de soixante-trois ans avait été précédemment l’ambassadeur de Norvège en République populaire de Chine. Le nouvel envoyé s’est dit honoré d’assumer des fonctions au service du peuple syrien et de ses aspirations à la paix.

Geir Pedersen a été Représentant de la Norvège auprès de l’Autorité palestinienne (1998 à 2003),représentant personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Liban du Sud (2005-2007), Coordonnateur spécial pour le Liban (2007-2008) et représentant permanent de son pays auprès des Nations unies à New York de 2012 à 2017. La feuille de route de Geir Pedersen aura comme but, comme le même indique, d’oeuvrer en faveur d’une solution pacifique et de la mise en oeuvre de la résolution RCS2254 : plan de paix des Nations Unies pour la Syrie1. Le diplomate norvégien succède à Staffan de Mistura et il est le quatrième médiateur des Nations Unies depuis le début du conflit syrien en 2011. Le nouvel émissaire de l’ONU est arrivé, ce mardi, à Damas, pour sa première visite dans le pays depuis sa nomination à ce poste. Le voyage du médiateur onusien intervient alors que sur le terrain, l’UNICEF a annoncé qu’au moins 15 enfants ont perdu la vie en Syrie en raison du froid hivernal et du manque de traitements médicaux.

Mais, «outre les femmes et les enfants, de nombreuses personnes âgées sont à risque», a déclaré Andrej Mahecic, porte-parole du HCR, lors d’un point de presse à Genève. Selon le HCR, les récents combats dans l’est de la Syrie ont également produit des déplacements à grande échelle entre la population civile. Au cours des six derniers mois, des affrontements et des frappes aériennes dans le sud-est du gouvernorat de Deir-ez-Zor ont forcé environ 25.000 personnes à fuir. «Nous sommes inquiets du sort des civils qui continuent d’être bloqués dans les zones contrôlées par l’État islamique», a ajouté Andrej Mahecic. Les familles déplacées qui se rendent au camp d’Al Hol, dans le nord-est de la Syrie, ont indiqué au personnel du Haut Commisariat pour les Réfugiés que les civils qui tentent de fuir font face à de nombreuses difficultés et de dangereux obstacles pour quitter la zone de conflit.

Dans ces conditions, le Haut Commisariat est en train d’appeler toutes les acteurs du conflit, ainsi que toutes les personnes qui ont une influence sur les belligérants, à garantir la liberté de circulation et la sécurité du passage. La majorité des personnes récemment déplacées ont cherché refuge au camp d’Al Hol. Plus de 8.500 personnes se sont installées au camp d’Al Hol au cours des cinq dernières semaines. Par ailleurs, dans le gouvernorat de Hassakeh, le camp de fortune d’Al-Areesha, qui abritait environ 10.000 déplacés, a été touché par la crue des eaux d’un réservoir tout proche. Plus des deux tiers du camp sont sous l’eau. Les résidents s’installent dans les zones les plus élevées du camp.Au Liban voisin, la tempête Norma a affecté cette semaine les communautés libanaises et réfugiées.

Près de huit ans après le début de la guerre civile, la population syrienne reste partagée entre espoir et inquiétudes : les combats perdent en intensité dans certaines régions du pays, mais la guerre est loin d’être terminée.

Antonio Torrenzano

 

 

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À Idlib, au nord-est de la Syrie, les 2,5 millions de civils se préparent à une bataille imminente. L’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, a averti la communauté internationale de conséquence gravissime pour la population civile de l’opération militaire que le gouvernement de Damas s’apprêterait à lancer pour reprendre la province dans le nord-ouest du pays.

À présent à Idlib, dernière région syrienne échappant au pouvoir du régime de Damas et dernier grand bastion terroriste du pays, se trouverait une multitude de corps rebelles : le groupe Hayat Tahrir al-Cham, une branche d’Al-Qaïda, dont le chef, Abou Mohamed al-Joulani, dispose de 25 000 hommes; d’autres milliers d’islamistes regroupés au sein du Front al-Nustra et plus de 10.000 “combattants étrangers” selon les Nations Unies. Par rapport à ce nombre de rebelles, de l’autre côté, l’armée syrienne et ses 80 000 hommes. Armée du régime de Damas épaulés par son allié russe qui met à disposition des dizaines d’avions. Pour Moscou, la province d’Idlib serait un foyer du terrorisme, une enclave de rebelles modérés et d’islamistes radicaux dont le gouvernement syrien a le droit de les chasser de son territoire a réaffirmé vendredi le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.

Selon les Nations Unies, cette imminente bataille pourrait provoquer un très haut nombre de morts et plus de 800 000 personnes déplacées. Lors d’une conférence de presse à Genève, l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie a proposé d’aller à Idlib pour garantir la mise en place des couloirs humanitaires afin d’évacuer la population civile avant l’offensive imminente de l’armée syrienne. Un geste que l’envoyé spécial de l’ONU avait déjà proposé pour la ville d’Alep en 2016.

« Je suis prêt à m’engager, personnellement et physiquement […], à assurer un couloir humanitaire […] pour donner la possibilité d’évacuer la population civile vers une zone plus sûre», a dit Staffan de Mistura . « Il n’y a pas d’autre Idlib. Où peuvent-ils aller ? Chaque fois qu’il y a eu une crise […], il y avait un endroit où beaucoup pouvaient choisir de partir. Mais il n’y a pas d’autre Idlib », a notifié Staffan de Mistura. L’assistance à la population civile vivant d’Idlib est importante, car il s’agit fondamentalement des habitants syriens déplacés ou évacués d’autres zones de conflit alors que les forces gouvernementales étaient en train de poursuivre la reprise de plusieurs territoires du pays.

Dans la région d’Idlib, dans les derniers six mois, plus de 500 000 personnes seraient arrivées après avoir fui les offensives du gouvernement à Deraa, dans la Ghouta orientale et dans d’autres zones tenues par les rebelles. La proposition de Staffan de Mistura a fait en outre écho à l’appel lancé mercredi par le secrétaire général de l’ONU, qui avait proféré sa profonde préoccupation par les risques d’une nouvelle catastrophe humanitaire dans le cas d’une opération militaire à Idlib qui compte près de trois millions d’habitants et se trouve à la frontière avec la Turquie.

Antonio Torrenzano

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Le chef du groupe de l’État islamique Abou Bakr al-Baghdadi a appelé ses partisans à poursuivre le djihad dans un nouveau message diffusé mercredi 22 août sur Telegram. Dans son nouvel appel, le calife apostrophe ses adeptes à frapper les ennemis en Occident en menant de nouvelles attaques à l’explosif ou à l’arme blanche. Le dernier message sonore attribué à Abou Bakr al-Baghdadi remontait au 28 septembre 2017 dans lequel l’émir appelait ses combattants à résister en face à l’ennemi après les défaites militaires en Irak et en Syrie. Abou Bakr al-Baghdadi, donné pour décédé à plusieurs reprises, serait donc encore vivant.

La communauté internationale l’a découvert le 29 juin 2014, lorsqu’il a proclamé le califat de l’État islamique en Syrie et en Irak, lors d’une de ses rares apparitions publiques à la mosquée de Mossoul. À l’inverse de l’ancien numéro un d’al-Qaïda Oussama Ben Laden, le maître de Daech a toujours entretenu un lourd mystère autour de sa personne1. Son apparition et ses énonciations d’une demi-heure à la mosquée de Mossoul avaient déjà fait l’objet de dispositifs draconiens, comme l’a raconté un témoin à l’hebdomadaire Newsweek : « à la minute où al-Baghdadi est arrivé, le réseau mobile a été coupé. Des gardes armés ont bouclé la zone. Ils ont fermement demandé aux participants de ne saisir aucune photo ni vidéo et de ne pas quitter la mosquée une demi-heure après le départ du calife ».

Que sait-on du calife de Daech ?

La carrière de jihadiste d’Abou Bakr al-Baghdadi semblerait très rapide. En 2004, il est arrêté par l’armée américaine pour s’être rendu chez un ami recherché. Le futur émir est alors envoyé vers le Camp Bucca, lieu de détention où l’administration d’occupation américaine retenait les Irakiens suspects. Selon de nombreux témoignages d’anciens détenus, le Camp de Bucca a été une véritable académie du djihadisme. En 2006, Abou Bakr al-Baghdadi est libéré et il prend contact avec des hommes d’Al-Qaïda en Irak. Les mêmes lui suggèrent de partir à Damas. Dans la même année, il rejoint l’État islamique d’Irak qui vient d’être créé par plusieurs groupes jihadistes, dont al-Qaïda. En 2010, il en devient le chef2. Au mois d’octobre 2011, Washington le désigne d’une manière officielle comme “terroriste”, offrant une récompense de 10 millions de dollars pour avoir des indications qui pouvaient conduire à son arrêt. En 2013, l’organisation commence à participer aux combats sur le territoire syrien et change de nom pour devenir l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL). En 2014, Abou Bakr al-Baghdadi proclamant l’État islamique en Irak accède à la notoriété de la communauté internationale.

Mais on sait toujours très peu sur l’identité d’al-Baghdadi et sur sa vie privée. Selon des sources syriennes et irakiennes, la vie privée du calife qui dirige la plus sinistre des organisations terroristes de l’époque contemporaine est méconnue non seulement en Occident, mais également parmi les membres de son organisation. On sait par exemple peu de choses sur les femmes d’Abou Bakr al-Baghdadi avec lesquelles il a vécu. En 2016, une de ses femmes qui s’appelait Diane Kruger s’est enfuie. Dans le califat, Diane Kruger était la responsable de la vie quotidienne des femmes. Elle formulait les préceptes de leur comportement selon les normes de la charia et dirigeait leurs habitudes. En outre, elle veillait à ce que les femmes n’apparaissent pas en public sans être accompagnées par un homme et sans porter une tenue suffisamment humble. Le travail de Diane Kruger avait également une composante militaire: elle dirigeait un centre de formation de femmes kamikazes à Kirkouk en Irak.

Al-Baghdadi et Diane Kruger, femme d’origine allemande, se sont mariés en octobre 2015, mais on ignore à présent les causes de la discorde entre les deux individus. L’autre épouse parmi les plus connues d’al-Baghdadi a été Saja al-Dulaimi, surnommée “la calife” pour son influence dans le monde djihadiste. Le mariage, célébré en 2009, n’a duré que trois mois. Saja condamne aujourd’hui le terrorisme, mais elle a été incarcérée un an par les autorités libanaises qui la soupçonnaient d’avoir maintenu des relations avec son ex-mari.

Les neuf vies d’Abou Bakr al-Baghdadi

En juin 2017, Moscou avait communiqué d’avoir probablement tué Abou Bakr al-Baghdadi par un raid de son aviation près de Raqqa, l’ancienne capitale de DAECH en Syrie. Selon la porte-parole du Kremlin, le raid avait eu lieu à la fin du mois de mai 2017. Au mois de février 2018, au contraire, un haut responsable du Ministère de l’Intérieur irakien affirmait que le chef de Daech était encore vivant et soigné dans un hôpital de campagne dans le nord-est de la Syrie parce qu’il était blessé. À ce sujet, le directeur du service de renseignement et du contre-terrorisme irakien Abou Ali al-Basri déclarait au quotidien As Sabah (le 12 février 2018): «Nous avons des informations indubitables et des documents de sources au sein de l’organisation terroriste selon lesquelles Abou Bakr al-Baghdadi est toujours vivant et se cache dans la région de la Jaziré».

Dans la même interview, le directeur Abou Ali al-Basri déclarait en outre que le chef djihadiste souffrait « de diabète et de fractures au corps et aux jambes qui l’empêcheraient de marcher sans assistance. Ces blessures seraient dues à des raids aériens contre les fiefs de l’État islamique en Irak». Pour le service de renseignement américain, Abou Bakr al-Baghdadi pourrait se cacher probablement dans la vallée de l’Euphrate, dans l’est de la Syrie. Enfin, au mois de juillet 2018, les services de renseignement irakiens avaient annoncé que le chef de Daech avait perdu son fils Houdhayfah al-Badri, tué en Syrie par trois missiles téléguidés russes.

L’évolution de Daech : d’une structure proto-étatique à un réseau secret

Mais à présent le pari ne serait plus de localiser Abou Bakr al-Baghdadi. L’évolution de Daech d’une structure proto-étatique à un réseau secret est désormais une réalité. Comment la communauté internationale pense-t-elle agir ? Malgré la défaite en Irak et en Syrie, les finances et la richesse économique de Daech au Moyen-Orient restent encore bien consistantes. Cette richesse est devenue à présent plus difficile à détecter et à analyser maintenant que l’État islamique est devenu une organisation clandestine. Un nouveau dossier des Nations Unies sur Daech, présenté par Vladimir Voronkov devant le Conseil de sécurité, atteste qu’à présent le nombre total des combattants de l’État islamique en Iraq et en Syrie serait estimé à plus de 20 000 terroristes, répartis à peu près également entre les deux pays. Selon le haut responsable onusien, cette petite armée de Daech devrait réussir à survivre en Iraq et en Syrie à moyen terme en raison du conflit en cours en Syrie et par les problèmes complexes de stabilisation en Irak. Le dernier rapport analyse également le retour des combattants terroristes étrangers dans leur pays d’origine. Ces retours, bien plus lent du prévu, poseraient d’autres sérieux problèmes. « L’un des dangers les plus importants résiderait dans les compétences militaires acquises dans les zones de conflit pour préparer des engins explosifs improvisés et pour transformer des drones en engins armés».

Daech se féminise

Le rapport n’analyse pas toutefois le rôle militaire, logistique et d’espionnage des combattantes de Daech. Jusqu’à présent, l’organisation terroriste utilisait principalement les femmes au sein d’Al-Khansaa, sa fameuse milice entièrement féminine implantée à Mossoul (Irak) et à Raqqa (Syrie). Sa mission : surveiller les femmes et punir celles ne respectant pas les préceptes de l’organisation. Mais récemment Nada al-Qahtani3 (selon des informations de la chaîne télé Al Arabiya) aurait été nommée à la tête d’un bataillon 100% féminin en Syrie par Abou Bakr al-Baghdadi. Ce bataillon d’un nouveau genre serait à présent déployé dans le nord-est de la Syrie. Tout ça, il serait un autre signe de l’évolution de la présence féminine à l’intérieur de l’organisation surtout dans le combat actif.  En Lybie, ce rôle actif est devenu désormais une réalité. À Sabratha, par exemple, une localité située à l’ouest de Tripoli, des combattantes de Daech ont participé aux combats. Dans ces actions militaires, trois femmes ont été tuées et au moins sept autres ont été arrêtées. Toutes étaient originaires de Tunisie.

Comment se défendre alors de ces menaces ? Comment contraster l’évolution rapide de Daech? « La coopération internationale, le partage d’informations et le renforcement des capacités sont essentiels», a souligné Vladimir Voronkov. Les combattants terroristes étrangers déjà incarcérés posent enfin un autre risque potentiel de radicalisation d’autres détenus dans les prisons où ils se trouvent. Des efforts supplémentaires seraient donc nécessaires en matière de sécurité dans les prisons.

Antonio Torrenzano

Bibliographie numérique :

-Kader A. Abderrahim, Jean Dufourcq, « Daech : Histoire, enjeux et pratiques de l’Organisation de l’État islamique», Paris, IreMMO, 2017. http://iremmo.org/rencontres/controverses/daech/

– Scott Atran, « L’État islamique est une révolution», Paris, Les Liens qui libèrent, 2016;

– Patrick Cockburn, «Le retour des djihadistes. Aux racines de l’État islamique», Paris, Équateur éditions, 2014;

– Pierre Conesa, François Bernard Huyghe et Margaux Chouraqui, « La propagande francophone de Daech : la mythologie du combattant hereux», Paris, FMSH éditions, 2016. http://www.fmsh.fr/sites/default/files/rapport_propagande_bdef.pdf

– Pierre-Jean Luizard, « Le piège Daech. L’État islamique ou le retour de l’Histoire», Paris, La Découverte, 2015;

– L. Napoleoni, « L’État islamique. Multinationale de la violence», Paris, Calmann-Lévy, 2015 ;

– Ph. Bannier et F. Balanche, « L’État islamique et le bouleversement de l’ordre régional», Paris, édition du Cygne, 2015 ;

– O. Hanne et Th. Flichy de la Neuville, «L’État islamique. Anatomie du nouveau califat», Paris, 2014;

– NATO Strategic Communications Centre of Excellence, « Daesh recruitment. How the group attracts supporters », Riga, NATO StratCom COE press, 2016. https://www.stratcomcoe.org/download/file/fid/6851

Notes bibliographiques :

1 Abou Bakr al-Baghdadi, dont le vrai nom est Ibrahim Awwad Ibrahim Ali al-Badri, serait né à Samarra, au nord de l’Irak, en 1971. Après avoir effectué son service militaire au sein des troupes de Saddam Hussein, Abou Bakr al-Baghdadi se serait installé à Bagdad à l’âge de 18 ans pour étudier. Certaines sources affirmeraient qu’il aurait alors commencé à officier en tant qu’imam. Les origines de sa radicalisation restent toutefois incertaines. Selon certains analystes, il était déjà un militant jihadiste sous le régime de Saddam Hussein; pour d’autres, il se serait radicalisé après l’arrivée des troupes américaines en 2003, contribuant à créer le groupe terroriste “Jamaat Jaish Ahl al-Sunnah wal Jamaa”.

Daech s’affranchira progressivement d’al-Qaïda, cherchant notamment des sources de financement autonomes, jusqu’à devenir officiellement autonome en 2013.

3 Selon les informations de la chaine télé Al-Arabya, Nada al-Qahtani est décrite comme une femme ayant un fort caractère et une volonté inébranlable. Elle jouerait déjà un rôle important dans la propagande du groupe auprès de combattantes étrangères. En 2015, selon le MI6 (le Service de renseignements anglais), 60 ressortissantes britanniques auraient rejoint Daech, mais on sait également que d’autres Européennes (Françaises, Allemandes, Belges et autres) ainsi que des femmes originaires des anciennes républiques soviétiques combattraient dans les rangs de l’organisation terroriste. Un nombre très difficile à dénombrer.

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Le 3 août 2014, Daech a lancé une vaste campagne d’enlèvement, de viol, d’esclavage sexuel, de commerce illicite d’êtres humains et d’autres crimes contre la communauté Yézidie et d’autres groupes minoritaires vivant dans la région de Sinjar, dans le nord de l’Iraq. Durant cette attaque génocidaire, des centaines de personnes ont été exécutées et des milliers de femmes ont été capturées par Daech pour être vendues sur les marchés du sexe. Au cours du mois d’août 2014, les massacres de Daech vont se succéder avec extrême violence, barbarie, inhumanité. Les hommes sont exécutés sommairement, les femmes réduites à l’état d’esclaves sexuelles. Les enfants, quand ils ne sont pas assassinés, sont embrigadés pour servir le « califat » naissant. Les survivants qui ont réussi à fuir (20 000 à 30 000 personnes selon le Haut Commissaire pour les réfugiés des Nations Unies), confinés sur les hauteurs du mont Sinjar, sans de l’eau ni de la nourriture, devront attendre le secours tardif de la coalition internationale et de l’armée kurde. Les forces militaires ouvrent finalement un corridor humanitaire quinze jours après le début des massacres.

On estimait entre 500 000 et 700 000, le nombre d’yézidis dans le monde et près de 320 000 peuplaient la région du Sinjar avant l’intervention de l’État islamique. Ils ne seraient plus que 50 000 aujourd’hui, selon l’ONG Yazda. Toutefois, l’ampleur de ce génocide et féminicide, considéré par les Yézidis comme le 74e massacre de leur histoire n’est pas encore déterminé avec précision. De même, on ignore le nombre de civils exécutés et on ne sait pas précisément combien de femmes et enfants ont été enlevés.

Tous les 3 août, des commémorations sont organisées dans de nombreux pays, mais la requête d’une reconnaissance politique internationale du « Génocide Yézidi » n’est pas encore arrivée de manière considérable de la part de la communauté internationale. À présent, de nombreuses représentations nationales ou supranationales ont reconnu le signe génocidaire des crimes perpétrés par les jihadistes. Le Parlement européen a déclaré en février 2016 que le groupe EI commettait « un génocide contre les chrétiens, les yézidis et d’autres minorités religieuses et ethniques ».

La même expression par le Congrès américain dans une résolution adoptée le mois suivant, au mois de mars 2016. Un rapport des Nations Unies, publié en juin 2016, a reconnu que le peuple Yézidis a subi un génocide depuis que Daech a envahi leur région. Au mois de septembre 2016, le gouvernement irakien et les Nations Unies ont signé un accord commun pour prévenir et combattre les violences sexuelles liées aux conflits.

Bagdad a récemment annoncé la création d’un comité interministériel avec l’ONU pour un travail de compilation de témoignages d’exactions qui devrait permettre, dans un lendemain plus ou moins proche, d’engager des actions devant des tribunaux pour génocide du peuple Yézidis, mais pas devant la Cour pénale internationale. Pourquoi pas devant la Cour pénale internationale ? Parce que la Cour serait impuissante face aux crimes des jihadistes. L’institution internationale n’a pas de compétence territoriale sur la Syrie et l’Irak, pays qui ne sont pas sujets étatiques au Statut de Rome. La Cour serait seulement compétente de juger les ressortissants de pays parties de l’institution pénale et qui sont venus combattre dans les rangs de l’organisation État islamique. Depuis quatre ans de ces évènements, les communautés yézidies de par le monde remuent ciel et terre pour obtenir justice. Bien que Daech ait été défait militairement, des milliers d’yézidis sont encore portés disparus et aucun membre de l’ancien État islamique n’a été poursuivi pour les crimes de violences sexuelles. Les Yézidis, leur religion et leur culture sont aujourd’hui à nouveau menacés : dans le cadre de l’invasion d’Afrin qui a débuté en janvier 2018, la Turquie et ses alliés ont détruit de nouveau nombre de villages et quartiers habités par les Yézidis ainsi que des lieux saints leur appartenant.

Par ailleurs, les occupants d’Afrin s’adonnent quotidiennement aux pillages, enlèvements et assassinats des membres de la communauté. Le génocide a été condamné vendredi par Pramila Patten, représentante de l’ONU sur la violence sexuelle dans les conflits à l’occasion de ce triste anniversaire.

« Des histoires horribles qui devraient choquer la conscience de l’humanité », a déclaré Pramila Patten. « L’idéologie de Daech ne peut être véritablement vaincue que si les survivants reçoivent justice et réparation pour les crimes qu’ils ont subis. La réconciliation ne peut avoir lieu que si les personnes disparues sont retrouvées », a souligné Pramila Patten. « Quatre ans après les attaques contre Sinjar, aucun des auteurs de violences sexuelles liées au conflit de Daech n’a été traduit devant un tribunal et les besoins des survivants et de leurs enfants restent immenses », a déclaré la Représentante onusienne. Enfin, outre la justice, les victimes de violences sexuelles ont toujours besoin d’un soutien médical et psychosocial et attendent d’être réunies avec des membres de leurs familles portés disparus.

Antonio Torrenzano

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L’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, a exhorté toute la communauté internationale à travailler pour la paix et faire avancer le règlement du conflit entre les différents acteurs régionaux par voie diplomatique. Devant le Conseil de sécurité de l’ONU, Staffan de Mistura a invité la communauté diplomatique à suivre de très près l’évolution de la situation à Idlib. Les conditions de vie dans cette région seraient plus graves que dans la Ghouta.

L’Envoyé spécial des Nations Unies a enfin encouragé toutes les diplomaties à relancer le processus de Genève par un dialogue international sérieux ainsi que le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie. À l’échelle militaire, le régime de Damas a presque gagné la guerre. DAECH conserve encore quelques petites poches de territoire dans l’Est syrien. Les djihadistes contrôlent moins de 3% du territoire syrien, contre près de 50% fin 2016, selon l’OSDH.

Sur le terrain, les Nations Unies mènent dans le pays l’une des plus vastes opérations humanitaires au monde. Devant le Conseil de sécurité à la fin du mois de mai, le chef de l’humanitaire de l’ONU Mark Lowcock a demandé que les agences techniques onusiennes puissent atteindre les personnes dans les zones les plus désespérées du pays. En Syrie, plus de 2 millions d’individus vivant dans les zones difficiles d’accès ont désespérément besoin d’aide, mais moins de 20% d’entre eux ont pu être aidés cette année, a souligné le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires des Nations Unies.

Antonio Torrenzano

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Il y a sept ans, le 15 mars 2011, la Syrie basculait dans une guerre civile. Le conflit syrien a débuté pacifiquement par des manifestations libérales en 2011. Le 31 janvier 2011, des opposants syriens manifestent bras croisés place Arnous à Damas. Ils étaient silencieux et ils tenaient comme symbole des affiches sur lesquels étaient simplement inscrits « na’am al houryé » (oui à la liberté). Le lieu était lucidement choisi : une petite place à la fin de la grande avenue commerçante de Salhyeh, devant la statue d’Hafez el-Assad. Cet événement avait été organisé sur facebook en soutien aux Égyptiens qui étaient en proie à une violente répression de la part de leur propre gouvernement.

Pendant l’année 2010, les Syriens avaient pu suivre les évènements de Tunisie et d’Égypte en direct sur les chaînes Al Arabya et Al Jeziraa et le président Bashar el Assad savait qu’il n’était pas à l’abri d’une possible contagion révolutionnaire. Le Printemps arabe, qui a débuté en décembre 2010, il a été le déclencheur de plusieurs manifestations dans la région de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient. En Syrie, le feu couvait et il a suffi d’une étincelle, en mars 2011, pour mettre le feu aux poudres : l’arrestation d’une douzaine d’adolescents à Deraa, torturés et emprisonnés durant trois semaines, pour avoir écrit sur le mur de leur école des slogans contre le régime. Le contexte de protestation entrepris par la population s’est transformé bientôt dans une guerre civile violente avant de devenir, aujourd’hui, un conflit entre des puissances régionales et internationales sur le territoire syrien. Du régime de Bachar el-Assad aux rebelles en passant par les djihadistes de l’État islamique, la Syrie est plus que jamais empêtrée dans une guerre dont elle ne semble pas voir le bout.

La guerre civile syrienne n’inclut pas uniquement des acteurs locaux ou régionaux, mais aussi des pays de l’Ouest et de l’Est ainsi que des milices qui proviennent de plus de 25 pays différents. La Turquie et l’Iran concourent directement au conflit, la Russie et les États-Unis sont militairement présents. Depuis longtemps, Washington et Moscou se livrent dans cette guerre de manière directe ou par leurs alliés interposés. Tous les acteurs cherchent à faire valoir leurs intérêts à travers la lutte qui sévit au Moyen-Orient. Toutes les parties au conflit sont par ailleurs armées et financées par des acteurs étrangers qui portent une énorme responsabilité dans l’escalade de cette « guerre par procuration ». La Syrie est devenue plus que jamais un échiquier sur lequel les différents acteurs nationaux, régionaux et internationaux déplacent leurs pions. Toutes les parties au conflit violent le droit international.

Les Nations Unies dans plusieurs moments ont affirmé que l’évolution du conflit syrien a été « pire qu’une boucherie » et l’ONU a déclaré explicitement qu’il y est question de crimes de guerre et de possibles crimes contre l’humanité. Le Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, parle d’une «tragédie humaine aux dimensions colossales». Selon l’agence onusienne UNICEF, plus de 20.000 enfants sont décédés en sept ans de conflit et la tendance s’accélère. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance relève une augmentation de 50% du nombre d’enfants tués en 2017 par rapport à l’année précédente. Les enfants représenteraient 20% des victimes civiles de cette guerre. Le conflit a également fait 6,1 millions de déplacés à l’intérieur de Syrie et 5,6 millions de réfugiés dans les pays voisins de la région dont le Liban, la Jordanie, l’Irak et la Turquie, selon les données du HCR. Au-delà de la très difficile situation humaine, le bilan économique de la guerre en Syrie est désastreux. Dans un rapport daté de juillet 2017, la Banque mondiale estime le coût des pertes dues à la guerre à 226 milliards de dollars, soit l’équivalent de quatre fois le produit intérieur brut (PIB) d’avant le conflit.

Après sept ans de terribles événements, il n’y a aucune perspective à l’horizon. Les solutions politiques semblent bien loin. Ni les pourparlers de Genève, soutenus par les pays occidentaux, ni les négociations de Sotchi, initiées par la Russie avec le soutien de la Turquie et de l’Iran, n’ont réussi à mettre la Syrie sur le chemin d’un règlement politique. Au contraire, la situation semble se compliquer davantage. Elle a déjà fait plus de 350 000 morts. Certains spécialistes pensent que c’est de l’issue de la guerre syrienne que dépendra la nature du nouvel ordre mondial en gestation. La crise syrienne pourrait provoquer un remodelage des alliances régionales et internationales, avec l’éloignement de la Turquie de l’Otan et le retour de la Russie en tant qu’acteur de premier plan en Méditerranée orientale.

Antonio Torrenzano

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Un mois après la huitième réunion infructueuse de paix à Genève, les deux délégations diplomatiques du régime de Damas et de l’opposition politique syrienne se sont retrouvées près du siège des Nations Unies à Vienne pour de nouvelles rencontres de paix. Ces nouvelles réunions s’ouvrent à quelques jours du Congrès intersyrien de Sotchi organisé par Moscou et Téhéran, alliés du régime de Damas, et d’Ankara, soutien des rebelles.

Le représentant de l’ONU Staffan de Mistura a rencontré aujourd’hui le porte-parole du régime de Damas Bashar Jaafari et ensuite le négociateur en chef du Comité des négociations syriennes Nasr Hariri. Pour tenter d’arracher des progrès, Staffan de Mistura a inscrit dans le carnet des rencontres le dossier constitutionnel, moins sensible que la question des élections qui déterminerait la destinée du président syrien Bachar al-Assad. Une démarche similaire devrait être affichée par la Russie à Sotchi, qui aimerait mettre l’accent sur l’étude d’une nouvelle Constitution syrienne, reléguant au second plan la question électorale.

Sur le terrain, l’offensive turque lancée il y a une semaine contre la milice kurde dans le nord-ouest de la Syrie compliquerait encore plus la guerre qui ravage la Syrie depuis 2011 et les pourparlers de paix. Quelles conséquences pourront-t-elles produire l’offensive militaire turque sur la région d’Afrine ? Située dans la province d’Alep (nord), Afrine est une enclave kurde, bordée par la Turquie à l’ouest et au nord, et par des territoires tenus par des rebelles syriens, souvent soutenus par les Turcs, au sud et à l’est. Pour Ankara, l’objectif serait de chasser de sa frontière la puissante milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), considérée par la Turquie comme un groupe terroriste, mais soutenu par Washington dont elle est une partenaire clé dans la lutte contre les jihadistes du groupe de l’État islamique en Syrie.

Après la montée en puissance de DAECH en 2014, les Kurdes sont devenus des acteurs importants de la lutte contre les jihadistes en Syrie. Les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition kurdo-arabe appuyée par Washington dont les YPG sont l’épine dorsale, ont chassé l’État islamique du nord et nord-est syrien. En octobre, elles ont pris aux jihadistes leur capitale Raqqa. Les FDS qualifient l’offensive turque un soutien clair à l’EI, accusant Ankara de détourner l’attention des Kurdes vers Afrine, les obligeant ainsi à négliger les jihadistes. L’opération militaire d’Ankara sur Afrine permettrait à la Turquie de consolider sa sphère d’influence dans le nord-ouest de la Syrie, et pour les groupes rebelles qui lui sont alliés de gagner de nouveaux territoires.

La même opération militaire turque pourrait toutefois pousser les milices de l’YPG dans les bras du régime de Damas et de Moscou. Dans les jours passés, des responsables kurdes auraient communiqué à la presse internationale que Moscou leur avait offert une protection contre la Turquie s’ils laissaient leurs territoires au régime syrien. Selon de nombreux analystes, Assad et la Russie pourraient rédiger un accord avec les milices kurdes en envoyant des troupes dans le théâtre d’opération d’Afrine au soutien de l’YPG. En échange, les Kurdes s’engageraient à faire des concessions à Damas sur leurs aspirations d’autonomie voire d’indépendance dans le nord de la Syrie.

Quels contrecoups pourront-ils produire l’offensive militaire turque sur le processus de paix ? Le processus diplomatique de l’ONU deviendrait encore plus compliqué en ce qui concerne la recherche d’une solution politico-diplomatique de paix. Les mêmes difficultés pourraient être ressenties au sommet de Sotchi, parrainé par la Russie et l’Iran, qui se déroulera la semaine prochaine. Cette impasse serait très utile à l’État islamique dans la région. DAECH, malgré la perte de ses principaux bastions, garderait encore une force non négligeable dans un triangle à la frontière syro-irakienne, avec des milliers de combattants.

Antonio Torrenzano

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Le Conseil de sécurité des Nations Unies a pris la décision d’instituer une «équipe d’enquêteurs» afin de recueillir des éléments de preuve en Iraq d’actes susceptibles de constituer des crimes de guerre, «des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide perpétrés par le groupe terroriste» de l’État islamique (Daech). Par la résolution 2379, le Conseil de sécurité des Nations Unies a en outre chargé le Conseiller spécial d’encourager «dans le monde entier» le lancement de poursuites pour les crimes de Daech et de travailler aux côtés des survivants, «pour que soient pleinement reconnus leurs intérêts».

L’Équipe d’enquêteurs devra agir dans le respect de la souveraineté de l’Iraq et de sa compétence concernant les infractions commises sur son territoire par DAECH, tandis que des juges d’instruction iraquiens devront être nommés pour travailler aux côtés d’experts internationaux «sur un pied d’égalité». Le Conseil de l’ONU a précisé même que les preuves devront être utilisées dans le cadre de procédures pénales «justes et indépendantes» menées par des tribunaux compétents à l’échelle nationale, «les autorités iraquiennes étant les premiers destinataires de ces preuves». L’Équipe devra être impartiale, indépendante et crédible et agir conformément à son mandat.

Le Conseil de sécurité a aussi souligné que tout autre État membre de l’ONU pourra demander à l’Équipe de recueillir des éléments de preuve sur des crimes similaires commis par DAECH sur son territoire. Le Conseiller spécial devra achever le premier rapport sur les activités de l’Équipe dans les 90 jours suivant la date à laquelle elle commencera ses activités.

Antonio Torrenzano

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La situation humanitaire en Syrie reste extrêmement difficile. Ursula Mueller, sous-secrétaire générale aux affaires humanitaires del’ONU, en s’exprimant par vidéoconférence depuis les bureaux des Nations Unies à Amman, a noté au Conseil de sécurité que la situation humanitaire demeure très problématique dans certains endroits.

La sous-secrétaire générale a cité par exemple les zones assiégées de la Ghouta orientale où, malgré l’annonce d’un cessez-le-feu le 22 juillet, les frappes aériennes et tirs de mortiers continuent de faire de nombreuses victimes civiles, ou encore le nord-ouest du pays, où les combats entre groupes armés non-étatiques et terroristes font rage. La région du Ghouta orientale constitue l’une des zones de désescalade désignées à la suite de l’accord du mai 2017 entre parrains du régime et des insurgés visant à parvenir à un cessez-le-feu durable en Syrie.  Après l’arrêt des combats dans certains lieux de la Ghouta orientale, la Russie avait livré plus de 10.000 tonnes d’aide humanitaire. Mais selon les Nations Unies, l’aide reste de manière générale insuffisante dans ces lieux, assiégés en partie depuis 2013 et totalement depuis 2016. Même, la situation à la frontière entre la Syrie et la Jordanie qui s’est dégradée la semaine dernière.

L’accès des organisations humanitaires à certaines zones assiégées s’est amélioré par rapport à l’année dernière. Il est cependant toujours lourdement limité. En ce qui concerne le gouvernorat de Raqqa, l’ONU y a recensé 30.000 nouvelles personnes déplacées depuis le 1er juillet du fait des opérations contre Daech, ce qui porte le nombre total de déplacés dans cette zone à environ 200.000 depuis le 1er avril. Dans la ville de Raqqa, où Daech continue d’utiliser des civils comme boucliers humains, la situation sanitaire devient jour après jour très préoccupante.

Selon le nouveau rapport de la FAO et du PAM, plus de 6,9 millions de Syriens sont toujours en situation d’insécurité alimentaire tandis que 5,6 millions de personnes devraient vraisemblablement se retrouver en situation d’insécurité alimentaire si elles ne disposent pas d’une aide constante chaque mois.

Antonio Torrenzano