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dimitar_dilkoff_afp_femme_kurde_imageDepuis le 16 septembre 2014, la ville de Kobané est assiégée par l’organisation terroriste de l’État islamique. Kobané est la troisième ville kurde de la Syrie à la frontière avec la Turquie. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) plus de 300.000 habitants ont fui la ville, dont plus de 200.000 personnes sont parties en Turquie et d’autres milliers en Irak. L’État islamique se polarise sur ce lieu «afin d’assiéger les combattants des Unités de protection du peuple kurde (YPG) dans la ville, couper leur route d’approvisionnement et les empêcher d’évacuer leurs blessés vers la Turquie», comme affirme l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Retour sur les dates clés de la bataille entre les jihadistes et les combattants kurdes pour la domination de la ville de Kobané dans le nord de la Syrie :

16 septembre 2014 : les jihadistes de l’EIIL, qui ont proclamé un califat sur les vastes régions qu’ils contrôlent à cheval entre la Syrie et l’Irak, lancent une offensive contre la ville de Kobané, à la frontière avec la Turquie.

19 septembre 2014 : les jihadistes effectuent une percée fulgurante, prenant le contrôle d’une soixantaine de villages kurdes en deux jours, autour de Kobané. Les combattants kurdes battent en retraite, car le rapport de force leur est défavorable.

23 septembre 2014 : les États-Unis aidés de leurs alliés arabes engagent pour la première fois le combat contre les jihadistes de l’EIIL en Syrie en ouvrant un nouveau front dans la guerre contre ce groupe ultra radical.

5 octobre 2014 : Une femme mène un attentat suicide contre une position de l’EIIL à l’est de Kobané. Il s’agit du premier attentat suicide connu d’une combattante kurde contre ce groupe, lui-même familier de ce type d’attaque asymétrique.

6 octobre 2014 : les jihadistes entrent dans Kobané par l’est. Selon l’OSDH il y a une “guérilla urbaine”. En Turquie, début de manifestations violentes de milliers de jeunes kurdes pour dénoncer le refus d’Ankara d’intervenir militairement pour aider les combattants à Kobané (on compte au moins 34 morts au total).

7/8 octobre 2014 : des avions de la coalition dirigée par les États-Unis mènent plusieurs frappes pour aider les forces kurdes à freiner l’avancée des jihadistes dans la ville de Kobané. Des combats se poursuivent dans plusieurs quartiers entre combattants kurdes et jihadistes.

10 octobre 2014 : le chef du principal parti politique kurde de Syrie, le Parti de l’union démocratique (PYD), presse la Turquie de laisser passer des armes destinées aux forces qui défendent Kobané. Les jihadistes s’emparent du QG des forces kurdes dans Kobané, qui comprend le complexe militaire des Unités de protection du peuple (YPG, principale milice kurde syrienne), la base des Assayech (forces de sécurité kurde) et le siège du conseil local de la ville. L’ONU met en garde contre un “massacre” si la ville tombe aux mains des jihadistes.

13 octobre 2014 : les jihadistes atteignent pour la première fois le centre de Kobané. “Ils contrôlent désormais la moitié de la localité” (OSDH).

14 octobre 2014 : Les dernières frappes menées par les avions américains et saoudiens ont “freiné la progression de l’EIIL” dans Kobané (armée américaine). Le président François Hollande estime que la Turquie doit “absolument ouvrir” sa frontière avec la Syrie pour permettre d’aider les défenseurs kurdes de Kobané.

15 octobre 2014 : des combats se poursuivent dans Kobané, où les forces kurdes aidées de frappes de la coalition ont repris aux jihadistes deux positions dans le nord de la ville (OSDH).

– 20 octobre 2014 : la coalition internationale lance sur Kobané munitions, armes légères et d’autres approvisionnements.

– 24/25/26 octobre 2014 : les forces kurdes en défendant la ville syrienne de Kobané repoussent un nouvel assaut des jihadistes du groupe de l’État islamique dans l’attente des premiers renforts de peshmergas irakiens. Pour la quatrième nuit consécutive, les jihadistes avaient essayé de prendre le quartier du nord de Kobané proche de la frontière avec la Turquie.

Antonio Torrenzano

 

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refugiés_iraq_syrie_imageLe Conseil de sécurité a exhorté vendredi soir la communauté internationale à renforcer la lutte contre l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) après une série d’attaques brutales à Bagdad et Anbar au cours des derniers jours. Dans une déclaration à la presse publiée vendredi soir, les membres du Conseil de sécurité ont appelé à « un effort commun » pour neutraliser la menace posée par l’organisation jihadiste. Les membres du Conseil de sécurité ont exprimé leur consternation face aux nombreuses personnes tuées, violées ou torturées par l’EILL et ils ont appelé la communauté internationale à renforcer les mesures pour lutter contre ce groupe et les groupes associés et assurer que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice.

Déjà mercredi 15 octobre, le Représentant spécial du Secrétaire général en Iraq, Nickolay Mladenov, avait condamné le meurtre d’un député tué dans un attentat à Bagdad. Nickolay Mladenov dans cette occasion avait en outre affirmé : « Ceux qui utilisent le terrorisme, la violence et la peur contre la population d’Iraq échoueront. Aujourd’hui l’Iraq et le monde sont unis et vaincront ceux qui cherchent à détruire l’État iraquien et rétabliront la sécurité, la prospérité et la démocratie dans ce pays ».

Sur le terrain la situation reste toujours désastreuse. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a indiqué mardi que presque 180.000 personnes ont fui la ville de Hit située au centre de l’Iraq, après qu’elle est tombée sous le contrôle de l’EILL. Les habitants de cette ville et ceux qui y avaient trouvé refuge auparavant, ont fui vers Ramadi, Khaldiya, Hadithat, Rawa, Ana, Amiryah Rahaliya et d’autres villes de la province d’Anbar, ainsi que plus loin à Kerbala ou à Bagdad, à environ 180 kilomètres vers l’est. Beaucoup sont hébergés par des proches et des amis, alors que d’autres ont trouvé refuge dans des écoles, des mosquées ou des bâtiments publics.

« L’exode depuis la ville de Hit est la quatrième vague majeure de déplacement de population en moins d’un an en Iraq. Par ailleurs, pour beaucoup des personnes faisant partie de cet exode, c’est la deuxième, la troisième voire la quatrième fois qu’elles doivent fuir depuis janvier », a déclaré une porte-parole du HCR, Melissa Fleming, lors d’une conférence de presse à Genève. « Des dizaines de milliers d’Iraquiens désespérés sont désormais pris dans une vague de déplacements multiples à travers les lignes de front changeantes de ce conflit ». Les familles déplacées rejoignent une population de 75.000 personnes déplacées. Elles se trouvent actuellement à Bagdad et leurs principales préoccupations sont le logement, la santé et à trouver une source de revenus. Près de 1,8 million d’Iraquiens sont devenus des déplacés internes rien que cette année.

Parallèlement, dans le nord de l’Iraq, un nombre croissant de Kurdes syriens originaires de la ville frontalière assiégée de Kobané cherchent refuge dans la province de Dohouk après avoir traversé la frontière depuis la Turquie. Environ 5.400 Syriens originaires de Kobané sont désormais entrés en Iraq via la Turquie, y compris 3.600 personnes ces trois derniers jours. L’Iraq accueille déjà près de 214.000 réfugiés syriens dont la grande majorité est hébergée dans la région du Kurdistan iraquien. De son côté, le Sous-Secrétaire général des Nations Unies aux droits de l’homme, Ivan Simonovic, est en visite actuellement en Iraq où il est arrivé dimanche pour une mission d’une semaine afin d’évaluer la situation des droits humains dans ce pays.

Antonio Torrenzano

 

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refugies_ville_kobané_imageLe secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, est en train de suivre avec une grande préoccupation l’offensive actuelle de l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) contre la ville d’Aïn al-Arab (Kobané en langue kurde), au nord de la Syrie. L’offensive a déjà entraîné des déplacements massifs de civils en Turquie et de nombreux morts et blessés.

« À la lumière des violations flagrantes et généralisées des droits de l’homme et du droit humanitaire international qui ont été commises par le groupe terroriste dans les zones tombées sous son contrôle en Syrie et en Iraq au cours de sa campagne barbare, il demande instamment à tous ceux qui ont les moyens de le faire de prendre des mesures immédiates pour protéger la population civile assiégée d’Aïn al-Arab », a dit son porte-parole dans une déclaration à la presse.

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) s’est également dit mardi très alarmé par la situation à Kobani. « Il y a trois ou quatre jours, il y avait encore environ 10.000 civils qui ne s’étaient pas réfugiés en Turquie et bien que la plupart l’aient fait désormais, il est possible que certains soient encore restés là-bas », a dit le porte-parole du HCDH, Rupert Colville, lors d’une conférence de presse à Genève. Le même s’est dit très préoccupé pour la sécurité des civils qui sont restés à Kobané ou dans la zone frontalière près de la ville, ou encore dans les villages alentour.

Antonio Torrenzano

 

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réfugiés_kurdes_kobané_imageL’État islamique qui est actuellement bombardé par la coalition internationale à Raqa et Deir Ezzor dans le nord-est de la Syrie, et combattue par les peshmergas en Irak semble vouloir consolider ses positions autour de Kobané.

Cette troisième ville du Kurdistan syrien se retrouve à présent au cœur d’une bataille stratégique. Perdre Kobané aurait de graves conséquences pour presque deux millions de Kurdes syriens qui vivent dans la région. D’ores et déjà 140.000 d’entre eux, majoritairement des femmes et des enfants, ont dû fuir la menace jihadiste en trouvant refuge en Turquie. S’ils prenaient la ville de Kobané, les djihadistes contrôleraient une longue bande territoriale continue au nord de la Syrie, le long de la frontière turque. La ville de Kobane est donc importante pour sa position géographique et stratégique. Si Kobané tombe, la continuité territoriale kurde risquerait d’être rompue.

Sur le terrain, le rapport de force est actuellement favorable à l’État islamique. En progressant vers Kobane, les jihadistes ont gardé toute leur force de pénétration. Avec leurs chars, blindés et artilleries, ils sont bien équipés autant qu’une armée régulière. En face d’eux, les troupes kurdes disposent d’un armement obsolète et quasiment inefficace contre leur ennemi. Les États-Unis, qui poursuivent également les frappes en Irak pour aider les troupes fédérales et kurdes à repousser les djihadistes, ont prévenu qu’il ne serait «ni facile, ni rapide» de venir à bout de ce groupe extrémiste sunnite qui occupe désormais de larges portions de territoires en Syrie et en Irak.

Durant les derniers jours, les Kurdes syriens avaient demandé à la coalition internationale de frapper les positions de l’organisation État islamique situées aux portes de Kobané. La réponse avait été négative parce que la coalition ne pouvait pas mener des bombardements à l’aveugle. Les raids aériens en effet nécessitent un travail de reconnaissance et de renseignement qui peut prendre beaucoup de temps : les combattants de l’État islamique ne se déplacent plus en larges groupes à ciel ouvert, mais se dispersent pour éviter d’être frappés depuis les airs, selon le pentagone. Selon des témoignages sur le terrain, les raids menés par la coalition ne sont pas encore efficaces.

Pour aider la ville de Kobané, des volontaires kurdes du monde entier sont en train d’y arriver. Abdullah Ocalan, le chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a lancé un appel à la mobilisation générale. Des volontaires, hommes et femmes, venus de Turquie, d’Europe, d’Asie, mais aussi des États-Unis ont répondu à l’appel et arrivent en grand nombre à Kobané pour combattre les jihadistes. L’assaut pour prendre Kobané, lancé le 16 septembre, il a entraîné un exode de la population, au moins 160.000 personnes ayant traversé la frontière pour se réfugier en Turquie. Près de 70 villages ont été pris par les djihadistes sur le chemin menant à Kobané. La Turquie, qui a renforcé son dispositif militaire au poste-frontière de Mursitpinar, a finalement déposé un projet de mandat autorisant l’intervention de son armée en Irak et en Syrie, aux côtés de la coalition internationale menée par Washington et à laquelle participent à différents niveaux une cinquantaine de pays. Le parlement turc débattra jeudi l’étude d’intervention.

Antonio Torrenzano

 

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al-baghdadi-irak-syrie-eiil-etat_islamique_en_irak_et_au_levantIl y a quelques jours, le ministre américain de la Défense a déclaré à propos de l’État islamique (proclamé en juin dernier par son chef, Abou Bakr al-Baghdadi) qu’il incarnait une menace allant « au-delà de tout ce que nous avons déjà connu » jusqu’à présent. Derrière les images d’horreur et la violence barbare, il existe une vraie propagande organisée de L’État islamique vers la communauté internationale et vers les puissances régionales au Proche-Orient.

Selon Romain Caillet, chercheur sur les questions du Moyen-Orient auprès de l’Institut français du Proche-Orient, cette organisation islamiste est différente d’al Qaïda ou Al Nosra. Quelles différences existent-elles alors entre al-Qaïda et l’EIIL ? Selon Romain Caillet : «les deux groupes ont des repères idéologiques communs, mais ils restent deux organisations différentes. On peut retenir trois critères de divergence d’ordre générationnel, politique et doctrinal. Les deux mouvements ont en effet des stratégies militaires et un agenda politique distincts. Premièrement, l’expérience de référence d’al-Qaïda reste celle du jihad afghan contre les Russes dans les années 1980 et de la lutte contre l’Occident. Pour les partisans de l’EI, la référence, plus récente, est celle du jihad en Irak contre l’invasion américaine de 2003.

Contrairement à al-Qaïda, l’EI estime qu’il vaut mieux combattre les ennemis d’aujourd’hui, plutôt que ceux d’hier, autrement dit, l’Iran et ses velléités expansionnistes, les Chiites autant que l’Occident. Deuxièmement, il y a des divergences politiques en concernant au mode d’administration et de gouvernance. L’EILL est favorable à l’administration immédiate du territoire conquis et à la mise en place de la charia, avant même que le conflit n’ait pris fin. Al-Qaïda prône au contraire un jihad déterritorialisé dont la cible principale reste l’Occident. Troisièmement, l’EI se distingue par sa cohérence idéologique interne qui tranche avec l’hétérogénéité caractéristique des multiples branches d’al-Qaïda, notamment Jabhat al-Nusra».

Comment a-t-il évolué l’État islamique respect à al-Qaïda ? Pour Romain Caillet : «Pour comprendre l’évolution de l’EILL, il convient de revenir sur la genèse du mouvement. Tout d’abord, le précurseur de l’État islamique d’Irak est un jihadiste jordanien, Abû Mus’ab az-Zarqâwî (1966-2006), gracié en 1999 à l’occasion du couronnement du roi Abdallah II de Jordanie. Il fonda son propre camp d’entraînement en Afghanistan dans la région d’Herat, indépendant du groupe al-Qaïda avec lequel il ne semblait pas partager pas les mêmes aspirations. L’offensive américaine d’octobre 2001 en Afghanistan le poussa à traverser l’Iran et à se réfugier au Kurdistan irakien en 2002, où il mit ses hommes au service d’Ansar al-Islam – un groupe fondamentaliste sunnite proche d’al-Qaïda. Lors de l’invasion américaine en Irak en 2003, le jihadiste jordanien forma un groupe du nom de tawhid al-Jihad, « monothéisme et jihad », qui reprenait le nom de son camp d’entraînement en Afghanistan. Il mena sa première grosse opération le 19 août 2003 contre le siège de l’ONU à Bagdad, et dont il revendiqua publiquement la responsabilité le 8 décembre 2003. L’attentat suicide au camion piégé avait couté la vie à 22 personnes dont Sergio Vieira de Mello, Représentant spécial de l’ONU en Irak.

Le mouvement prit une importance croissante et devint à l’octobre 2004 la branche irakienne d’al-Qaïda. En janvier 2006, le groupe d’Abû Mus’ab az-Zarqâwî fut intégré à une coalition de plusieurs factions jihadistes rassemblées au sein du Conseil consultatif des Mujâhidîn d’Irak dont l’Irakien ’Abd Allâh Rashîd al-Baghdâdî prit le commandement. Le but de cette réorganisation était d’«irakiser» le jihad en Irak contre l’occupation américaine, jusqu’alors géré par des étrangers. Après la mort d’Abû Mus’ab az-Zarqâwî en juin 2006, l’Égyptien Abû Hamza al-Muhâjir (1968-2010) prit sa succession à la tête d’al-Qaïda en Mésopotamie en faisant parti du Conseil Consultatif des mujahideen, soumis à l’autorité de ’Abd Allâh Rashîd al-Baghdâdî. Le 15 octobre 2006, le conseil consultatif des Mujâhidîn s’élargit en intégrant une trentaine de tribus irakiennes ainsi que de nouveaux groupes jihadistes en prenant à cette occasion le nom d’État islamique d’Irak et annonçant la dissolution d’al-Qaïda en Mésopotamie. À partir de 2007, l’EIIL connut des difficultés notamment face aux troupes américaines et à la résistance de groupuscules opposés à leur autoritarisme politique et religieux. Implanté en Irak, l’EII observait de loin les événements en Syrie dès 2011. Il prit la décision de dépêcher un petit groupe en Syrie qui prit le nom de Jabhat al-Nusra fin 2011. Le mouvement devint si puissant que l’émir n’écoutait plus le chef de l’EIIL. Il ne fit pas sécession, mais devint quasiment une branche autonome de l’organisation. En avril 2013, le chef de l’EII, Abû Bakr al-Baghdâdî (à la tête de l’organisation depuis 2010), annonça que Jahbat al-Nusra et l’EII étaient qu’une seule et même organisation. Ils supprimèrent alors les deux appellations – État islamique d’Irak (EII) et Jabhat al-Nusra – pour former l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Le lendemain de cette déclaration, le chef de Jahbat al-Nusra, Abû Muhamad al-Jûlânî, reconnut qu’il avait combattu pour l’EII en Irak et bénéficié de son soutien financier et militaire en Syrie, mais il désapprouva la fusion des deux unités. La majorité des combattants rejoignit l’EIIL. Le 9 juin 2013, Zawahiri annonça la dissolution de l’EIIL et stipula que l’EIIL devrait quitter la Syrie au profit de Jahbat al-Nosra, dont il reconnut officiellement son affiliation avec Al-Qaïda. Le 10 juin 2013, le chef de l’EIIL, Abu Bakr al-Baghdadi, invalida cette décision affirmant que l’EIIL resterait en Irak et au Levant. Les relations se dégradèrent entre les deux mouvements. En mars 2014, la prise de contrôle de plusieurs bases pétrolières en Syrie par l’EIIL précipita la déclaration de guerre entre l’EIIL et Jabhat al-Nusra, menacé dans son poumon économique de la région de Deir ez-Zor».

Quelles dates faudra-t-il retenir ? Trois sont les dates comme explique toujours Romain Caillet : le 15 Octobre 2006, date de la création de l’État Islamique d’Irak (Dawlat al-’Irâq al-Islâmiyya) ; puis, avril 2013, l’extension de l’EII en Syrie qui devient l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL). Enfin, le 29 juin 2014 où le mouvement prend le nom d’État Islamique (EI) lorsqu’il annonce la restauration du califat. Une nouvelle appellation sans précision géographique qui témoigne de la volonté du mouvement d’établir un califat universel.

Antonio Torrenzano

 *Dans l’image le portrait de rue d’Abou Bakr al-Baghdadi, leader de l’État islamique en Irak et au Levant (EILL).

 

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réfugiés_frontière_syroturque_imageDepuis quelques mois, les États-Unis, plusieurs pays européens, mais aussi la Turquie, le Canada et l’Australie multiplient les consultations pour trouver les possibles solutions, y compris par des moyens militaires, au défi posé par l’État islamique.

Sur le terrain, l’État islamique continue son avancée. Depuis dimanche, les jihadistes assiégeaient une ville-clé kurde syrienne à la frontière turque : Aïn al-Arab, après avoir pris une soixantaine de villages à la suite d’une offensive fulgurante qui a poussé à la fuite des dizaines de milliers de Kurdes syriens vers la Turquie. La prise d’Aïn al-Arab, troisième agglomération kurde de Syrie, est cruciale pour l’EI car elle lui permettrait d’administrer une large portion de la frontière syro-turque sans discontinuité.

Fort de quelque 35.000 hommes recrutés dans plusieurs pays, notamment occidentaux, ce groupe ultra radical sunnite continue de s’emparer de régions en Syrie comme en Irak, malgré l’annonce prise au sommet de Paris par la communauté internationale de détruire cette organisation par une large coalition. Selon le chef de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, la ville d’Ain al-Arab est «totalement assiégée». Ils «ont encore progressé et se trouvent à certains endroits à une dizaine de kilomètres seulement d’Ain al-Arab». Ces affrontements ont fait déjà au moins 39 morts. «La grande majorité des jihadistes tués sont des non-Syriens, dont des Tchétchènes et des ressortissants du Golfe», selon M. Abdel Rahmane.

Devant l’intensité des violences et les craintes des exactions des jihadistes, les civils kurdes de la ville et de ses environs, qui comptaient quelque 450 000 habitants avant les violences, continuaient de fuir vers la Turquie, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Depuis vendredi, quelque 70.000 civils kurdes ont déjà trouvé refuge dans ce pays, selon le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR). Haut Commissariat qui a aussi évoqué l’arrivée de centaines de milliers de personnes supplémentaires. De sa part, le tout nouveau Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU le Jordanien Zeid Ra’a al Hussein a mis en garde la communauté internationale d’un possible nettoyage ethnique.

Mais en Irak, les djihadistes de l’État islamique ne combattent pas seulement les personnes. Ils luttent également contre tout ce qui représente pour eux le mal. Comme les taliban afghans qui ont détruit nombre de représentations de Bouddha à travers le pays, l’EI s’attaque aux monuments qui ne cadrent pas avec sa doctrine. Les destructions d’édifices religieux se multiplient ainsi. Des bâtiments chrétiens sont visés par l’État islamique, comme à Mossoul, où l’archevêché des syriaques catholiques a été incendié. Des mosquées chiites et sunnites sont aussi dynamitées. L’EILL a même institutionnalisé ces destructions dans sa charte. L’article 13 stipule que les sculptures de Mossoul sont condamnées à disparaître, car elles ont été adorées avant l’Islam. Ces disparitions sont une perte immense pour le patrimoine archéologique irakien et pour toute l’Humanité.

Antonio Torrenzano

 

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conference_paris_irak_imageRéunis hier à Paris pour la conférence internationale sur la paix et la sécurité en Irak, une trentaine de pays se sont engagés à fournir une « aide militaire appropriée » à Bagdad afin de lutter contre l’État islamique. Convoquée par le président français François Hollande, qui s’était rendu à Bagdad la semaine dernière, la conférence de Paris a réuni les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et une vingtaine d’autres pays. Tous les participants à la conférence ont exprimé leur attachement à l’unité, à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de l’Irak. Lors de cette réunion au Quai d’Orsay à Paris et qui aura duré près de 3 heures, les participants ont répété que l’EI est «une menace non seulement pour l’Irak, mais aussi pour toute la communauté internationale».

Le communiqué final n’apporte pas plus de précision sur la forme ou l’importance que prendra cette aide militaire. « Les participants à la conférence de Paris ont affirmé que l’EILL constitue une menace pour l’ensemble de la communauté internationale ». Les chefs d’État et de gouvernement, ils ont encore souligné « l’urgente nécessité de mettre un terme à la présence de l’EIIL dans les régions où il a pris position en Irak», poursuit le texte. Dans cet objectif, ils se sont engagés à soutenir, par les moyens nécessaires, « le nouveau gouvernement irakien dans sa lutte contre EILL, y compris par une aide militaire appropriée, correspondant aux besoins exprimés par les autorités irakiennes».

Les participants à la Conférence ont également rappelé leur détermination à mettre en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives à la lutte contre le terrorisme et ses sources de recrutement et de financement, notamment la résolution 2170. Pour combattre contre l’EILL, ils ont aussi évoqué la nécessité de prendre des mesures afin de prévenir la radicalisation en coordonnant l’action de tous les services de sécurité et en renforçant la surveillance des frontières. Ils ont également envisagé de travailler à un plan d’action pour s’opposer au financement du terrorisme.

Antonio Torrenzano

 

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refugiés_minritésreligieuses_kurdistan_imageLa guerre civile qui déchire la Syrie et maintenant les régions Nord-ouest de l’Irak finira par secouer le Liban voisin et l’entraîner durablement dans le conflit. Il n’y aura pas d’équilibre à long terme en Irak si la Syrie reste encore un violent champ de bataille. Le grade réel de la détérioration des rapports intercommunautaires en Syrie et en Irak confirmerait cette hypothèse selon de nombreux analystes politiques.

Cette détérioration intercommunautaire a permis jusqu’aujourd’hui à L’État islamique de conquérir des territoires et avoir de plus en plus de nouveaux prosélytes. L’EILL constitue pour tout le Moyen-Orient et pour l’entière communauté internationale, une menace plus grande que ne pouvait l’être al-Qaida hier. Hier, les objectifs d’al-Qaida étaient de détruire le système occidental; aujourd’hui, les ambitions de l’État islamique sont différentes. L’organisation montre plusieurs intérêts territoriaux régionaux qui vont potentiellement au-delà de l’Irak et de la Syrie : vers la Jordanie, le Liban, vers les pays du Golfe, le même Qatar, c’est-à-dire vers les pétromonarchies. On peut déjà prévoir une déstabilisation régionale qui devrait toucher toute la région. L’EILL possède des armes sophistiquées fournies récemment par les États-Unis à l’Irak et dispose aussi, par l’action de rapine aux banques irakiennes, de moyens financiers importants. Sa principale force jusqu’à présent ? La faiblesse des antagonistes et la vision myope de la communauté occidentale.

Sur le terrain, la situation est désastreuse. À la suite des déplacements croissants de populations en Iraq depuis le début de ce mois, l’ONU a revu à la hausse ses données statistiques en portant à 1,45 million les personnes déplacées. La précédente estimation était presque de 1,2 million de déplacés. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a fait également état d’une hausse des enlèvements de femmes par des groupes armés, en particulier des femmes appartenant à des minorités. En Irak, l’ONU est désormais consciente de l’urgence à laquelle il faut faire face. Les réfugiés ont besoin d’eau, de se laver, d’être aussi un peu à l’ombre, surtout les enfants, les personnes âgées et les malades. Dans le pays irakien, cette saison est la plus chaude de l’année : il fait entre 47 et 48 degrés.

En Syrie, la situation reste angoissante. Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Navi Pillay, a justement parlé d’une « paralysie » de la communauté internationale face au conflit en Syrie. Conflit qui, entre mars 2011 et fin avril 2014, a fait plus de 191 000 morts. « Il est scandaleux qu’en dépit de leurs énormes souffrances, la situation difficile des blessés, des déplacés, des détenus et des familles de personnes tuées ou disparues n’attire plus guère l’attention », a dénoncé le Haut-Commissaire. « Le fait que non seulement cette situation puisse durer si longtemps, sans perspective de fin, mais qu’elle ait aujourd’hui des conséquences si horribles pour des centaines de milliers de personnes par-delà la frontière, dans le nord de l’Iraq, et que les violences s’étendent aussi au Liban, constitue un véritable réquisitoire contre l’époque dans laquelle nous vivons. Les assassins, les destructeurs et les tortionnaires en Syrie et en Iraq ont été encouragés par la paralysie internationale », a ajouté Mme Pillay.

Pour Karim Émile Bitar, directeur de recherche à l’Iris, spécialiste du Proche et Moyen-Orient et des questions sociales relatives au monde arabe, « la détérioration de la situation irakienne doit radicalement changer la vision pour la Syrie… Il est illusoire de penser que l’on peut régler l’une des deux crises en ignorant la seconde». Le Moyen-Orient risque d’être pour l’instant le domicile fixe de l’enfer sur notre planète avec des effets incontrôlables et sans doute déjà irréversibles.

Antonio Torrenzano

 

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iraq_refugies_image_criseL’Organisation des Nations Unies a communiqué que le niveau d’urgence humanitaire en Iraq est au zénith, c’est-à-dire au niveau 3. « Compte tenu de l’ampleur et de la complexité de la catastrophe humanitaire, cette mesure permettra de faciliter la mobilisation de nouvelles ressources afin d’assurer une réponse plus efficace aux besoins humanitaires des populations touchées par les déplacements forcés », a déclaré Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq, Nickolay Mladenov, dans un communiqué de presse.

« La situation des personnes déplacées au Mont Sinjar continue de susciter une grande inquiétude», a dit pour sa part le Représentant du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) en Iraq, Marzio Babille. Le représentant UNICEF a confirmé que l’agence ONU et d’autres acteurs humanitaires vont intensifier leurs efforts pour répondre aux besoins croissants de ceux qui sont extraits du Mont Sinjar, outre l’aide fournie aux 12.000 chrétiens déplacés qui ont trouvé refuge dans la capitale kurde, Erbil.

L’instauration de l’État islamique a aggravé également la crise humanitaire syrienne. En Syrie, on compte désormais six millions et demi de déplacés, trois millions de réfugiés dans les pays voisins. Certaines villes, comme Alep, ont perdu la moitié de leurs habitants, qui ont fui les combats. Malgré l’aide internationale, la situation est loin de s’améliorer. Dix millions de personnes sont dans le besoin selon Christoph Hamm, représentant du Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU en Syrie. Seulement deux autres crises dans le monde sont au même niveau d’urgence : le Soudan du Sud et la République centrafricaine.

Antonio Torrenzano

 

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femmes_violence_irak_imageDébut août, les jihadistes de l’État islamique ont conquis plusieurs villes et villages yazidis et chrétiens dans la province de Ninive, près de la région autonome du Kurdistan, en obligeant à la fuite des dizaines de milliers de personnes. Ce vendredi, des jihadistes ont tué des dizaines de personnes, en majorité des membres de la minorité yazidie, dans le village irakien de Kocho au nord de l’Irak. «Nous avons des informations que vendredi après-midi un convoi d’hommes armés de l’EI est entré dans ce village», a déclaré un haut responsable irakien, Hoshyar Zebari. Selon Harim Kamal Agha, un haut responsable de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) dans la province de Dohuk, frontalière de celle de Ninive, cette incursion a tué 81 personnes.

Cette minorité religieuse, dont les racines remonteraient à plus de 6 000 ans, constitue une des plus anciennes communautés du nord de l’Irak. Les Yézidis pratiquent une religion syncrétique. Cette religion mêle un héritage soufi (un courant mystique de l’islam) et des éléments du judaïsme, du christianisme ou encore du zoroastrisme : la prière se fait face au soleil et pas face à La Mecque. Cette communauté pré-islamique est devenue à présent la cible des jihadistes. De manière particulière : les femmes. Des centaines de Yézidies sont retenues par les combattants de l’État islamique, selon un porte-parole du ministère irakien des Droits de l’homme. Ces femmes seraient toutes âgées de moins de 35 ans et une partie d’elles seraient regroupées dans des écoles de Mossoul. «Nous pensons que les jihadistes les considèrent comme des esclaves, et qu’ils ont des projets terribles pour elles», a commenté ce porte-parole. Les États-Unis ont confirmé le renseignement en ajoutant qu’elles seraient emprisonnées afin d’être vendues ou mariées à des combattants extrémistes.

Une vive préoccupation concernant les informations sur les violences sexuelles contre les minorités en Irak a été également manifestée par la Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU sur la violence sexuelle dans les conflits, Zainab Bangura, et le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq, Nickolay Mladenov. « Nous sommes profondément préoccupés par les informations récurrentes faisant état d’actes de violence, notamment de violence sexuelle contre des femmes, des adolescentes et des adolescents appartenant à des minorités iraquiennes », ont déclaré M. Bangura et M. Mladenov dans une déclaration à la presse conjointe. « Des récits atroces sur l’enlèvement et la détention de femmes, de filles et de garçons yézidis, chrétiens, turkmènes et shabaks, et des informations sur des viols sauvages nous parviennent d’une manière alarmante, » ont-ils ajouté, en soulignant que 1.500 Yézidis et Chrétiens ont été contraints à l’esclavage sexuel. M. Mladenov a appelé les gouvernements de la région et la communauté internationale à libérer rapidement les femmes et les filles en captivité et à soutenir le gouvernement iraquien dans ses efforts pour protéger ses citoyens.

« Nous condamnons par les mots les plus forts le fait que les femmes et les enfants sont spécifiquement visés et la barbarie des actes commis par l’État islamique en Iraq contre les minorités dans les zones sous son contrôle, et nous rappelons à tous les groupes armés que les actes de violence sexuelle constituent de graves violations des droits humains qui peuvent être considérés comme des crimes de guerre et crimes contre l’humanité », a dit Mme Bangura, qui a exhorté toutes les parties au conflit à respecter leur responsabilité de protéger les civils. « Le Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général sur la violence sexuelle dans les conflits avec la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) continuera de surveiller la situation en Iraq en ce qui concerne la violence sexuelle afin de s’assurer que les responsables rendent des comptes et de plaider pour le soutien et l’assistance aux survivants de ces actes barbares », a encore affirmé Mme Bangura.

Antonio Torrenzano