Les récents succès en Irak et en Syrie de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) prouvent que depuis une décennie d’année la stabilité au Moyen-Orient a toujours été sur le fil du rasoir. L’EIIL contrôlait depuis plusieurs années une partie de la province d’Anbar, où il avait conclu une alliance en 2006 avec une trentaine de tribus locales qui représentaient 70% de la population de la région. Pour ses tactiques extrêmement belliqueuses, cette organisation djihadiste a prospéré grâce au terrain fertile fourni par la guerre civile en Syrie et au soutien que lui apporte la population sunnite irakienne.
Depuis le 9 juin 2014, début de l’offensive EIIL, les brigades ont mis la main sur Mossoul, deuxième ville d’Irak, une grande partie de sa province Ninive (nord), de Tikrit et d’autres secteurs des provinces de Salaheddine (nord), Diyala (est) et avancent désormais à l’ouest. Selon l’OSDH, cette brigade contrôlerait désormais l’essentiel de la rive nord-est de l’Euphrate, des zones près de la frontière turque à la ville d’Al Boussayra, située à plus de 300 km en direction du sud-est. La prise de Mossoul par exemple a été soigneusement préparée en coopération avec les alliés locaux de l’organisation comme certaines tribus arabes et des anciens officiers du parti Baas irakien. La chute de Mossoul a également gonflé les caisses de l’organisation. L’ancien gouverneur de la province de Ninive, Atil al-Nujaifi, a indiqué en effet que les jihadistes se sont emparés de 430 millions de dollars et de lingots d’or de la banque centrale de la ville. Avec un tel butin de guerre, l’Organisation ne risquera plus d’avoir de problèmes financiers pour les années à venir.
Pour un grand nombre d’observateurs, l’objectif transnational de L’EIIL serait celui d’imposer un califat englobant de larges portions de l’ouest de la Syrie et du centre de l’Irak. Les ennemis de l’EIIL, c’est-à-dire les autres brigades islamistes, accusent Abou Bakr al Baghdadi à combattre seulement pour conquérir des territoires en exploitant la situation chaotique en Syrie et dans le voisin pays irakien. Mais, sur le plan politique, l’ascension d’EIIL quelles répercussions aura-t-elle dans la région tout entière ? En plus, l’EIIL pourra-t-il devenir le nouveau chef du jihad mondial ? Les effectifs de l’EIIL s’élèveraient désormais à 28.000 combattants répartis entre la Syrie et l’Irak. En Irak, le groupe recrute principalement des jeunes sunnites radicalisés par la marginalisation politique et socio-économique de leur communauté. Quant à l’armement, l’organisation dispose d’équipements procurés ou volés pendant ses conquêtes. « En Syrie, le groupe a pu s’emparer d’importantes quantités d’armes provenant des bases militaires du régime autour d’Alep et d’autres régions qu’il a occupées. Quant à l’Irak, le groupe a dépouillé l’armée de ses munitions et véhicules dans les zones où celle-ci a abandonné ses positions», a précisé Aron Lund, auteur de plusieurs mémorandums sur les groupes islamistes pour l’Institut suédois des Affaires internationales. Selon The Guardian, la richesse financière serait en revanche estimée à plus de deux milliards de dollars en plaçant ce groupe à la tête de toutes les organisations terroristes dans le monde.
Sur le plan diplomatique, cette évolution soulignerait le besoin urgent d’une nouvelle action diplomatique de la communauté internationale au sujet de la Syrie. La guerre civile en Syrie pourrait durer encore une décennie d’année. Le terrain syrien reste aujourd’hui, malgré les gains territoriaux de l’EIIL, largement partagé entre plusieurs groupes d’influences, à savoir les forces de Bachar el-Assad, l’Armée syrienne libre (ASL), Al-Nosra, ainsi que les milices kurdes et le Front islamique. La consolidation des deux camps en confrontation sur le terrain reste donc stable,virulente, sans un vainqueur. Téhéran et la Russie soutiennent la Syrie. En parallèle, le djihad mondial combat Damas par des forces qui arrivent d’autres continents et un pouvoir financier qui provient par de généreuses donations de certains individus et organisations qui s’identifient avec le programme idéologique du conflit. Dans ce cas-là, l’action diplomatique devrait surmonter très vite l’impasse dans laquelle ne se trouve pas seulement la guerre sur le terrain, mais également la table des négociations. Sans un nouveau plan diplomatique, la Syrie pourrait devenir «une deuxième Somalie» et à long terme toute la région pourrait exploser si une solution n’était pas trouvée.
Antonio Torrenzano