L’aviation russe a mené mercredi ses premiers bombardements en Syrie à la demande du président Bachar al-Assad. Les bombardements sont intervenus quelques heures avant que la Russie ne présente à l’ONU un projet de résolution visant à «coordonner toutes les forces qui font face à l’État islamique et aux autres structures terroristes». L’accélération de l’engagement de Moscou s’inscrit sur fond de bras de fer entre le président américain Barack Obama et son homologue russe sur le sort à réserver à Bachar al-Assad, tyran pour l’un et rempart contre l’EI pour l’autre. Pour la première fois depuis 36 ans, la Russie intervient aussi loin de son territoire. La dernière fois avait été en 1979 en Afghanistan. Moscou est retourné au centre du jeu. Tout au long de cette crise, les alliés traditionnels de la Syrie, l’Iran et la Russie, ont prêté un appui solide au régime de Bachar el-Assad.
En Syrie, la révolte a éclaté, en 2011. Ce qui a été au départ une révolte locale contre la corruption s’est transformé bientôt en une lutte pour le pouvoir d’envergure régionale et après internationale. La guerre a donné lieu à une rivalité qualifiée de «guerre froide» entre l’Iran et l’Arabie saoudite à l’échelle régionale et à une rivalité mondiale parmi les États-Unis et la Russie surtout après les événements marquants en Ukraine.
Les pays du Golfe, les États-Unis et la plupart des puissances européennes ont toujours déclaré d’une voix unanime qu’Assad avait perdu sa légitimité et qu’il devait se retirer. Les États occidentaux ont été les premiers à soutenir l’opposition syrienne, avant d’être rejoints, quelques mois plus tard, par l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie. Mais les mêmes, ils ont toujours eu beaucoup de difficultés à représenter l’opposition syrienne de manière efficace. L’opposition syrienne est naturellement fragmentée; il s’agit d’un mouvement peu structuré et décentralisé. La communauté internationale a tenté d’unifier ce mouvement extrêmement hétérogène et localisé, mais ces efforts se sont avérés peu fructueux.
Pourquoi peu fructueux ? Parce que la vraie et barbare opposition en Syrie et dans presque tout le Moyen-Orient est désormais Daech. Et Daech, il fait maintenant peur également aux mêmes puissances régionales sunnites qui l’avait financé et soutenu. En outre, les efforts diplomatiques de la communauté internationale pour dénouer la crise syrienne, tout comme les tentatives de stabiliser l’Irak ou de mettre fin au conflit israélo-palestinien, jusqu’à présent se sont révélés un échec.
La seule certitude est que le conflit syrien a fait en quatre ans plus de 240.000 morts. De 2011 au mai 2014, 2,7 millions de réfugiés syriens forcés de fuir la guerre civile ont été enregistrés hors de leur pays; ce chiffre équivaut à plus de la moitié du nombre de Palestiniens ayant obtenu le statut de réfugié depuis les 66 années que dure le conflit israélo-palestinien. La situation dans l’année 2015 ne fait qu’empirer. On évalue en outre que plus de 4,5 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur de la Syrie, ce qui signifie qu’au total, un tiers de la population syrienne est réfugiée ou déplacée. Le bilan réel toutefois pourrait certainement être plus élevé que les 240.000 comptabilisés.
Antonio Torrenzano