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Les pourparlers de Stockholm sous l’égide de l’ONU parmi le gouvernement de Saana et les rebelles houthis ont abouti à un cessez-le-feu entre les belligérants yéménites autour du port d’Hodeïda. Selon les Nations unies, cette première entente devrait permettre une amélioration de la vie de millions de personnes. Tout cela devrait faciliter l’accès humanitaire et la circulation des marchandises vers la population civile au Yémen.

Quatre ans après l’escalade des hostilités entre le gouvernement de Saana et le mouvement d’opposition houthi, appelé officiellement Ansar Allah, plus de 20 millions de personnes ont besoin aujourd’hui d’une forme d’assistance et de protection. Dans le pays, plus de 20 millions d’individus souffrent d’insécurité alimentaire et presque 10 millions de ces individus ne savent pas d’où viendra leur prochain repas. De même, le choléra a frappé de manière dure ce pays pendant l’été 2017 : 1.000.000 de personnes infectées pour 2.226 morts, 1 habitant sur 27.

Le Secrétaire général Antonio Guterres s’est rendu à Stockholm le dernier jour des pourparlers menés par son envoyé spécial Martin Griffiths pour essayer de faire sortir le Pays yéménite de la plus grave crise humanitaire au monde. «L’avenir de Yémen est entre vos mains», a déclaré Antonio Guterres aux acteurs politiques présents à Stockholm. « Vous avez conclu un accord sur la ville d’Hodeïda qui prévoit un redéploiement mutuel des forces du port et de la ville, ainsi que l’établissement d’un cessez-le-feu à l’échelle du gouvernorat», a-t-il déclaré, soulignant que l’ONU jouera « un rôle de premier plan » en ce qui concerne le port. «Tout cela facilitera l’accès humanitaire et la circulation des marchandises vers la population civile et améliorera les conditions de vie de millions de Yéménites», a-t-il souligné.

Les pourparlers de Stockholm se sont déroulés du 6 au 12 décembre 2018. Le cessez-le-feu autour du port d’Hodeïda est un progrès, mais le Yémen a besoin d’un paix durable. Les questions en suspens restent encore très nombreuses et les prochains réels progrès devront mettre fin à une crise politique et militaire qui touche ce Pays depuis plus de trois ans. Les belligérants se réuniront à la fin du mois de janvier, toujours en Suède, sous l’égide des Nations unies, pour de nouvelles consultations.

Antonio Torrenzano

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Un mois après la huitième réunion infructueuse de paix à Genève, les deux délégations diplomatiques du régime de Damas et de l’opposition politique syrienne se sont retrouvées près du siège des Nations Unies à Vienne pour de nouvelles rencontres de paix. Ces nouvelles réunions s’ouvrent à quelques jours du Congrès intersyrien de Sotchi organisé par Moscou et Téhéran, alliés du régime de Damas, et d’Ankara, soutien des rebelles.

Le représentant de l’ONU Staffan de Mistura a rencontré aujourd’hui le porte-parole du régime de Damas Bashar Jaafari et ensuite le négociateur en chef du Comité des négociations syriennes Nasr Hariri. Pour tenter d’arracher des progrès, Staffan de Mistura a inscrit dans le carnet des rencontres le dossier constitutionnel, moins sensible que la question des élections qui déterminerait la destinée du président syrien Bachar al-Assad. Une démarche similaire devrait être affichée par la Russie à Sotchi, qui aimerait mettre l’accent sur l’étude d’une nouvelle Constitution syrienne, reléguant au second plan la question électorale.

Sur le terrain, l’offensive turque lancée il y a une semaine contre la milice kurde dans le nord-ouest de la Syrie compliquerait encore plus la guerre qui ravage la Syrie depuis 2011 et les pourparlers de paix. Quelles conséquences pourront-t-elles produire l’offensive militaire turque sur la région d’Afrine ? Située dans la province d’Alep (nord), Afrine est une enclave kurde, bordée par la Turquie à l’ouest et au nord, et par des territoires tenus par des rebelles syriens, souvent soutenus par les Turcs, au sud et à l’est. Pour Ankara, l’objectif serait de chasser de sa frontière la puissante milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), considérée par la Turquie comme un groupe terroriste, mais soutenu par Washington dont elle est une partenaire clé dans la lutte contre les jihadistes du groupe de l’État islamique en Syrie.

Après la montée en puissance de DAECH en 2014, les Kurdes sont devenus des acteurs importants de la lutte contre les jihadistes en Syrie. Les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition kurdo-arabe appuyée par Washington dont les YPG sont l’épine dorsale, ont chassé l’État islamique du nord et nord-est syrien. En octobre, elles ont pris aux jihadistes leur capitale Raqqa. Les FDS qualifient l’offensive turque un soutien clair à l’EI, accusant Ankara de détourner l’attention des Kurdes vers Afrine, les obligeant ainsi à négliger les jihadistes. L’opération militaire d’Ankara sur Afrine permettrait à la Turquie de consolider sa sphère d’influence dans le nord-ouest de la Syrie, et pour les groupes rebelles qui lui sont alliés de gagner de nouveaux territoires.

La même opération militaire turque pourrait toutefois pousser les milices de l’YPG dans les bras du régime de Damas et de Moscou. Dans les jours passés, des responsables kurdes auraient communiqué à la presse internationale que Moscou leur avait offert une protection contre la Turquie s’ils laissaient leurs territoires au régime syrien. Selon de nombreux analystes, Assad et la Russie pourraient rédiger un accord avec les milices kurdes en envoyant des troupes dans le théâtre d’opération d’Afrine au soutien de l’YPG. En échange, les Kurdes s’engageraient à faire des concessions à Damas sur leurs aspirations d’autonomie voire d’indépendance dans le nord de la Syrie.

Quels contrecoups pourront-ils produire l’offensive militaire turque sur le processus de paix ? Le processus diplomatique de l’ONU deviendrait encore plus compliqué en ce qui concerne la recherche d’une solution politico-diplomatique de paix. Les mêmes difficultés pourraient être ressenties au sommet de Sotchi, parrainé par la Russie et l’Iran, qui se déroulera la semaine prochaine. Cette impasse serait très utile à l’État islamique dans la région. DAECH, malgré la perte de ses principaux bastions, garderait encore une force non négligeable dans un triangle à la frontière syro-irakienne, avec des milliers de combattants.

Antonio Torrenzano

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Après six ans et demi de guerre, la Syrie est en train de payer «un lourd tribut» économique et social a déclaré le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires humanitaires, Mark Lowcock, la semaine passée à Damas. «J’ai vu cette semaine le bilan colossal des hostilités», a déclaré Mark Lowcock, dans une déclaration aux médias au troisième jour de sa visite en Syrie.

La guerre civile et révolutionnaire qui déchire la Syrie depuis 2011 s’est cristallisée dans un espace de destructions massives et de fronts multiples à l’évolution aléatoire. Le pays urbain (75 % de la population en 2011) n’est plus qu’un champ de ruines, les 7 millions de réfugiés répertoriés s’entassent dans des camps à l’intérieur (1,2 million dans la banlieue de Damas) et à l’extérieur du pays (Liban, Turquie, Jordanie). Les capacités industrielles sont presque entièrement détruites. Se projeter dans un avenir, même à court terme est difficile. Les rounds de négociations ont, jusqu’à ce jour, tourné court. Les différentes parties prenantes restent figées sur leurs positions.

Un bilan économique désolant.

Le produit intérieur brut (PIB) de la Syrie est inférieur à la moitié de ce qu’il était avant la guerre, et le remplacement des infrastructures et des logements détruits coûtera des centaines de milliards de dollars. En moins de six années, l’économie syrienne s’est transformée en une économie de guerre et de pénurie. Une agriculture de subsistance existe seulement dans les régions les moins touchées par la guerre. L’agriculture syrienne, traditionnellement exportatrice, s’est transformée en agriculture de subsistance. « L’industrie du phosphate, branche dans laquelle la Syrie détenait le 10e rang mondial, s’est effondrée. Évaluée à plus de 2 millions de tonnes annuelles en 2011, au 1er semestre 2014, selon la Compagnie générale des phosphates et des mines, la production totale s’était élevée à 493 822 tonnes. Les ventes n’avaient rapporté que 30 millions de dollars, dont 28 millions à l’exportation et le reste pour la fabrication locale de fertilisants».1

La Syrie urbaine et commerçante est détruite en dehors de Damas. Le secteur industriel lourd, essentiellement situé dans les localités urbaines de combat n’existe plus. Les usines textiles se résument à présent à quelques manufactures dans les régions contrôlées par le régime. La ressource touristique qui représentait 2,3 milliards de dollars en 2010 (c’est-à-dire avant le conflit) a disparu. Seules les zones portuaires fonctionnent, car elles alimentent le pays de Bachar Al-Assad en produits d’importation venus de Russie ou d’Iran. L’effort militaire russe a donné un élan significatif à l’espace portuaire, mais il est principalement opéré par les Russes eux-mêmes.2

Une situation sociale désastreuse.

Un Au plan social, en ce qui concerne la santé, sur les 780 établissements recensés dans les six principales villes, environ un tiers a été endommagé. Plus grave encore, l’essentiel des personnels médicaux et hospitaliers, souvent ciblé directement par les actions militaires entre l’armée de Damas et l’opposition syrienne dans les zones de guerre, a fui le pays.3 En matière d’éducation, 1 417 établissements allant de la crèche à l’université ont été endommagés dans les combats, soit 14,8 % d’entre eux. Alep et Deraa ont été les villes les plus touchées. Deux millions d’enfants sont sortis du système scolaire et 50 000 enseignants sont sans emplois.4

Enfin, comme dans toute économie de guerre, les commerces illicites, le marché clandestin et la corruption représentent les différentes formes d’une activité parallèle qui enrichit une minorité de la population alors que l’autre vit dans la pénurie. C’est pourquoi la domination des zones transfrontalières (par exemple les frontières avec le Liban et celle avec la Turquie) est un enjeu majeur pour tous les acteurs sur le terrain de guerre qui se disputent sa surveillance.

Antonio Torrenzano

1 Jean-Claude Cousseran, Jean-françois Daguzan, Agnès Levallois, Manon-Nour Tannous, La ”Syrie utile” : éléments pour des solutions de sortie de crise, Paris, Observatoire du monde arabo-musulman et du Sahel, Fondation pour la recherche stratégique, juillet, 2016, pp.15-16. URL:https://www.frstrategie.org/web/documents/programmes/observatoire-du-monde-arabo-musulman-et-du-sahel/publications/4.pdf

2 Jean-Claude Cousseran, Jean-françois Daguzan, Agnès Levallois, Manon-Nour Tannous, Ibidem, pp. 17-19.

3 Shanta Devarajan, Lili Mottaghi, Quy-Toan Do, Lin Abde, Mohamed Jelil, Syria : Reconstruction for Peace, in Middle East and North Africa Economic Monitor, avril 2016, Washington DC, World Bank press, 2016, pp. 22-24.

4 Source statistique UNICEF Nations Unies, au mois de novembre 2017.