Conversation avec Giovanni Puglisi, écrivain, professeur de la chaire en littératures comparées et de la chair de critique littéraire et philologie. Giovanni Puglisi est le président de l’université IULM de Milan et le directeur de l’université “Kore” de la ville sicilienne d’Enna. Depuis l’année 2005, il est président de la Commission nationale italienne de l’UNESCO à Rome. Le professeur Giovanni Puglisi est également membre de la commission Fulbright pour les échanges scientifiques et culturels entre l’Italie et les États-Unis (The U.S. – Italy Fulbright Commission) et il gère en qualité de président le Comité scientifique de la “National Italian American Foundation” (NIAF) en Italie. Le dialogue a eu lieu à Reggio Émilia, près de l’université de Modène le 11 mai 2015 pendant un séminaire sur la «Culture italienne comme clé d’un possible et nouveau développement économique du Pays». Le séminaire a été organisé par la même université de la ville, la région Émilia Romagna, la Mairie de Reggio Émilia, la Commission italienne de l’UNESCO, la Fédération italienne pour le tourisme avec la collaboration de l’Institut en sciences touristiques Angelo Motti de Reggio Émilia dans le cadre des initiatives culturelles pour l’Exposition universelle 2015 de Milan.
Antonio Torrenzano. Le représentant des Nations Unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, a lancé mardi 5 mai 2015 de nouvelles consultations à Genève pour une possible paix en Syrie. Les consultations devraient durer jusqu’au 30 juin à huis clos au Palais des Nations. Quarante groupes syriens et 20 acteurs régionaux et internationaux ont été invités. Le successeur de Kofi Annan et de Lakhdar Brahimi a affirmé avoir changé de méthode. Pas de grandes conférences, ni de grandes réunions multilatérales, mais des rencontres en tête à tête avec tous les protagonistes de la crise syrienne. Une approche qualifiée de «très large» et de «plus flexible», ouverte aux «acteurs politiques et militaires, aux femmes, aux victimes, aux chefs religieux et aux communautés», ainsi qu’aux représentants de la société civile et de la diaspora syrienne. Envisagez-vous un possible accord aussi sur la tutelle du patrimoine archéologique syrien ?
Giovanni Puglisi. Nous assistons depuis quelques mois à une purge culturelle, une éradication de la civilisation et du patrimoine archéologique en Syrie et en Irak de la part de l’organisation terroriste DAECH. Un pillage sans précédent dans lequel le patrimoine commun de l’Humanité subit des attaques hautement tragiques et outrageuses. La situation ne constitue pas une tragédie pour les seuls peuples syriens et iraquiens, mais pour l’ensemble de la communauté internationale. La vulnérabilité croissante du patrimoine par rapport à ce conflit doit nous faire agir très vite avec des actions immédiates pour protéger et préserver ce patrimoine. À présent, nous sommes témoins de la destruction intentionnelle de repères irremplaçables. J’espère que la protection du patrimoine pourra faire partie intégrante des efforts de consolidation de la paix en Syrie.
Antonio Torrenzano. Le patrimoine culturel en Syrie et en Irak, témoin de l’histoire millénaire d’un berceau de la civilisation mondiale, est systématiquement détruit. Ces destructions sont étroitement liées à des persécutions des minorités et traduisent aussi, dans leurs formes extrêmes, une volonté radicale d’effacer toute trace de diversité culturelle. La communauté diplomatique a qualifié de la barbarie culturelle les actes effroyables commis par les groupes extrémistes en Syrie. Votre collègue, la directrice générale Irina Bokova, a affirmé : « nous assistons aujourd’hui à un nettoyage culturel sans précédent ». Quelle est-elle votre analyse ?
Giovanni Puglisi. J’aimerais encore une fois le souligner : ces actes ne sont pas seulement une tragédie pour les Syriens et les Iraquiens, mais pour tous les peuples de la planète. Notre patrimoine mondial est en péril et il est impératif d’agir maintenant. Il ne s’agit pas seulement de valeurs communes, mais d’un héritage commun. C’est la culture qui pose les bases de la vie. Cette éradication culturelle vise à nier les identités des “autres”, effacer leur existence, éliminer la diversité culturelle et persécuter les minorités. Je crois que les attaques contre la culture sont des attaques contre les peuples, contre leurs identités, contre leurs valeurs et leur mode de vie, contre leur avenir et contre l’avenir de toute la communauté mondiale.
Antonio Torrenzano. La directrice générale de l’UNESCO a soumis une proposition au Conseil de sécurité des Nations Unies en ce qui concerne l’interdiction du commerce des biens culturels. Envisagez-vous d’autres réponses encore plus efficaces contre l’extrémisme ?
Giovanni Puglisi. Je trouve que la culture est essentielle au renouvellement de la société. La culture devra être notre réponse à l’extrémisme. Enfin, je suis d’accord avec Irina Bokova sur la nécessité de travailler avec la Cour pénale internationale de sorte que la destruction du patrimoine culturel soit reconnue comme un crime contre l’Humanité.
Antonio Torrenzano