ActualitéBlogrollWeblogs

réunion_paris_2juin2015_image_1962La France a réuni mardi 2 juin à Paris ses partenaires au sein de la coalition internationale contre l’État islamique en Irak et en Syrie. Cette seconde réunion restreinte des ministres des Affaires étrangères de la coalition contre Daech avait l’objectif de méditer sur la stratégie de la coalition, à un moment où la situation sur le terrain est particulièrement fragile; la nécessité de parvenir à des solutions politiques durables pour résoudre la crise irakienne et le conflit syrien. La réunion a donc fait le point sur la situation sur le terrain en Syrie et en Irak et les possibles et nouvelles stratégies militaires à déplier alors que les djihadistes continuent à gagner du terrain.

La réunion était coprésidée par Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères et du Développement international, Haïder al-Abadi, premier ministre irakien, et John Kerry, secrétaire d’État des États-Unis, représenté à Paris par le secrétaire d’État adjoint, Antony Blinken. Vingt-quatre délégations ont pris part à cette réunion (Allemagne, Arabie saoudite, Australie, Bahreïn, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Égypte, Émirats arabes unis, États-Unis, France, Irak, Italie, Jordanie, Koweït, l’Organisation des Nations unies en qualité d’observateur, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Qatar, Royaume-Uni, Turquie et l’Union européenne).

Les participants ont rappelé également la protection des minorités persécutées et les conditions de leur retour, comme annoncé lors de la réunion sur ce sujet au conseil de sécurité des Nations unies que Laurent Fabius a présidé le 27 mars. Ils ont discuté aussi de la protection du patrimoine en danger alors que l’Assemblée générale des Nations unies vient d’adopter une résolution sur ce sujet. Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO et Antonio Guterres, Haut-commissaire pour les réfugiés, ils ont été invités à participer à ces échanges pendant la journée de travail. Les partenaires de la coalition réunis à Paris ont exprimé en outre leur intention de se rencontrer, en format plénier, au niveau des chefs d’État et de gouvernement, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies au mois de septembre 2015.

Pour le Premier ministre irakien: « la coalition internationale réputée de combattre Daech dans son pays et en Syrie est un échec ». « Beaucoup de mots, mais peu d’actions sur le terrain», a critiqué Haider al-Abadi à Paris, où il est venu rejoindre les partenaires de cette coalition. En dix mois d’opérations, les forces de la coalition ont procédé à 4.000 frappes aériennes sans pouvoir arrêter l’avancée des djihadistes. En effet malgré les frappes aériennes, l’État islamiste a continué à gagner du terrain dans ces dernières semaines avec les prises de Ramadi, à l’ouest de l’Irak et de la cité antique de Palmyre, en Syrie. De leur part, les partenaires de la Coalition ont pris acte de la détérioration continue de la situation en Syrie ainsi que de l’incapacité et de l’absence de volonté du régime d’Assad à lutter contre Daech. Ils ont rappelé leur souhait de préserver l’unité et la souveraineté de la Syrie et ont appelé au prompt lancement d’un véritable processus politique inclusif, sous les auspices des Nations Unies, en vue de mettre en œuvre les principes du communiqué de Genève – y compris la mise en place, par consentement mutuel, d’un organe de gouvernement transitoire doté de la plénitude du pouvoir exécutif.

Ils ont affirmé que seule une transition politique permettra d’établir les conditions nécessaires pour renverser la vague d’extrémisme et de radicalisme engendrée par les abus du régime et de lutter efficacement contre toutes les organisations terroristes en Syrie, y compris Daech. Toujours mardi à Paris, la coalition internationale a adopté une déclaration réaffirmant son soutien aux forces irakiennes. Dans le communiqué de presse, les acteurs de la coalition ont souligné que la lutte contre Daech en Syrie et en Irak demeure leur principale priorité, tout en constatant que Daech tente d’étendre son emprise à d’autres régions frappées par des crises politiques et des situations d’instabilité, comme en Libye. Les partenaires de la Coalition ont réaffirmé la nécessité pour la communauté internationale d’appuyer les processus visant à traiter les causes locales des crises politiques et de l’instabilité, et d’éradiquer ce groupe terroriste et son idéologie destructrice, où qu’ils se manifestent.

Selon le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, les opérations militaires de la coalition internationale anti-Daesh doivent être autorisées par le Conseil de sécurité de l’ONU et se dérouler avec l’accord des autorités syriennes. Dans une longue interview à la chaine de télévision américaine Bloomberg, le ministre des Affaires étrangères russe a notamment affirmé « évidemment, nous ne sommes pas contre les efforts de la coalition en vue d’affaiblir un dangereux groupe terroriste, mais la possibilité existait déjà de combattre ce groupe avant le début de ces opérations. Comme je l’ai déjà dit, nous préférons travailler en nous appuyant sur le droit international », a dit Sergueï Lavrov. En même temps, le diplomate russe a qualifié d’«erreur» la posture de Washington consistant à refuser de solliciter l’autorisation des autorités syriennes pour entamer des raids aériens sur les positions de Daesh en territoire syrien. En Irak, comme a souligné le ministre Lavrov, le gouvernement a bien été consulté et a donné son consentement aux bombardements.

Pour la diplomatie russe, le conflit syrien ne peut être résolu que par la voie diplomatique en sachant que : « les efforts de l’ONU et de l’envoyé spécial de l’organisation Staffan de Mistura visent l’inclusion de toutes les composantes de la société syrienne dans le processus de règlement politique, les acteurs internationaux doivent se demander qui représente le plus de danger : El-Assad ou Daesh ?», a estimé Sergueï Lavrov.

Sur le terrain, de manière inexorable, la carte du Moyen-Orient est en train d’être redessinée par l’État islamique. Mais, tout cela risque-t-il d’être un véritable casse-tête pour la Coalition internationale ?

Antonio Torrenzano

 

ActualitéBlogrollWeblogs

al-baghdadi-irak-syrie-eiil-etat_islamique_en_irak_et_au_levantIl y a quelques jours, le ministre américain de la Défense a déclaré à propos de l’État islamique (proclamé en juin dernier par son chef, Abou Bakr al-Baghdadi) qu’il incarnait une menace allant « au-delà de tout ce que nous avons déjà connu » jusqu’à présent. Derrière les images d’horreur et la violence barbare, il existe une vraie propagande organisée de L’État islamique vers la communauté internationale et vers les puissances régionales au Proche-Orient.

Selon Romain Caillet, chercheur sur les questions du Moyen-Orient auprès de l’Institut français du Proche-Orient, cette organisation islamiste est différente d’al Qaïda ou Al Nosra. Quelles différences existent-elles alors entre al-Qaïda et l’EIIL ? Selon Romain Caillet : «les deux groupes ont des repères idéologiques communs, mais ils restent deux organisations différentes. On peut retenir trois critères de divergence d’ordre générationnel, politique et doctrinal. Les deux mouvements ont en effet des stratégies militaires et un agenda politique distincts. Premièrement, l’expérience de référence d’al-Qaïda reste celle du jihad afghan contre les Russes dans les années 1980 et de la lutte contre l’Occident. Pour les partisans de l’EI, la référence, plus récente, est celle du jihad en Irak contre l’invasion américaine de 2003.

Contrairement à al-Qaïda, l’EI estime qu’il vaut mieux combattre les ennemis d’aujourd’hui, plutôt que ceux d’hier, autrement dit, l’Iran et ses velléités expansionnistes, les Chiites autant que l’Occident. Deuxièmement, il y a des divergences politiques en concernant au mode d’administration et de gouvernance. L’EILL est favorable à l’administration immédiate du territoire conquis et à la mise en place de la charia, avant même que le conflit n’ait pris fin. Al-Qaïda prône au contraire un jihad déterritorialisé dont la cible principale reste l’Occident. Troisièmement, l’EI se distingue par sa cohérence idéologique interne qui tranche avec l’hétérogénéité caractéristique des multiples branches d’al-Qaïda, notamment Jabhat al-Nusra».

Comment a-t-il évolué l’État islamique respect à al-Qaïda ? Pour Romain Caillet : «Pour comprendre l’évolution de l’EILL, il convient de revenir sur la genèse du mouvement. Tout d’abord, le précurseur de l’État islamique d’Irak est un jihadiste jordanien, Abû Mus’ab az-Zarqâwî (1966-2006), gracié en 1999 à l’occasion du couronnement du roi Abdallah II de Jordanie. Il fonda son propre camp d’entraînement en Afghanistan dans la région d’Herat, indépendant du groupe al-Qaïda avec lequel il ne semblait pas partager pas les mêmes aspirations. L’offensive américaine d’octobre 2001 en Afghanistan le poussa à traverser l’Iran et à se réfugier au Kurdistan irakien en 2002, où il mit ses hommes au service d’Ansar al-Islam – un groupe fondamentaliste sunnite proche d’al-Qaïda. Lors de l’invasion américaine en Irak en 2003, le jihadiste jordanien forma un groupe du nom de tawhid al-Jihad, « monothéisme et jihad », qui reprenait le nom de son camp d’entraînement en Afghanistan. Il mena sa première grosse opération le 19 août 2003 contre le siège de l’ONU à Bagdad, et dont il revendiqua publiquement la responsabilité le 8 décembre 2003. L’attentat suicide au camion piégé avait couté la vie à 22 personnes dont Sergio Vieira de Mello, Représentant spécial de l’ONU en Irak.

Le mouvement prit une importance croissante et devint à l’octobre 2004 la branche irakienne d’al-Qaïda. En janvier 2006, le groupe d’Abû Mus’ab az-Zarqâwî fut intégré à une coalition de plusieurs factions jihadistes rassemblées au sein du Conseil consultatif des Mujâhidîn d’Irak dont l’Irakien ’Abd Allâh Rashîd al-Baghdâdî prit le commandement. Le but de cette réorganisation était d’«irakiser» le jihad en Irak contre l’occupation américaine, jusqu’alors géré par des étrangers. Après la mort d’Abû Mus’ab az-Zarqâwî en juin 2006, l’Égyptien Abû Hamza al-Muhâjir (1968-2010) prit sa succession à la tête d’al-Qaïda en Mésopotamie en faisant parti du Conseil Consultatif des mujahideen, soumis à l’autorité de ’Abd Allâh Rashîd al-Baghdâdî. Le 15 octobre 2006, le conseil consultatif des Mujâhidîn s’élargit en intégrant une trentaine de tribus irakiennes ainsi que de nouveaux groupes jihadistes en prenant à cette occasion le nom d’État islamique d’Irak et annonçant la dissolution d’al-Qaïda en Mésopotamie. À partir de 2007, l’EIIL connut des difficultés notamment face aux troupes américaines et à la résistance de groupuscules opposés à leur autoritarisme politique et religieux. Implanté en Irak, l’EII observait de loin les événements en Syrie dès 2011. Il prit la décision de dépêcher un petit groupe en Syrie qui prit le nom de Jabhat al-Nusra fin 2011. Le mouvement devint si puissant que l’émir n’écoutait plus le chef de l’EIIL. Il ne fit pas sécession, mais devint quasiment une branche autonome de l’organisation. En avril 2013, le chef de l’EII, Abû Bakr al-Baghdâdî (à la tête de l’organisation depuis 2010), annonça que Jahbat al-Nusra et l’EII étaient qu’une seule et même organisation. Ils supprimèrent alors les deux appellations – État islamique d’Irak (EII) et Jabhat al-Nusra – pour former l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Le lendemain de cette déclaration, le chef de Jahbat al-Nusra, Abû Muhamad al-Jûlânî, reconnut qu’il avait combattu pour l’EII en Irak et bénéficié de son soutien financier et militaire en Syrie, mais il désapprouva la fusion des deux unités. La majorité des combattants rejoignit l’EIIL. Le 9 juin 2013, Zawahiri annonça la dissolution de l’EIIL et stipula que l’EIIL devrait quitter la Syrie au profit de Jahbat al-Nosra, dont il reconnut officiellement son affiliation avec Al-Qaïda. Le 10 juin 2013, le chef de l’EIIL, Abu Bakr al-Baghdadi, invalida cette décision affirmant que l’EIIL resterait en Irak et au Levant. Les relations se dégradèrent entre les deux mouvements. En mars 2014, la prise de contrôle de plusieurs bases pétrolières en Syrie par l’EIIL précipita la déclaration de guerre entre l’EIIL et Jabhat al-Nusra, menacé dans son poumon économique de la région de Deir ez-Zor».

Quelles dates faudra-t-il retenir ? Trois sont les dates comme explique toujours Romain Caillet : le 15 Octobre 2006, date de la création de l’État Islamique d’Irak (Dawlat al-’Irâq al-Islâmiyya) ; puis, avril 2013, l’extension de l’EII en Syrie qui devient l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL). Enfin, le 29 juin 2014 où le mouvement prend le nom d’État Islamique (EI) lorsqu’il annonce la restauration du califat. Une nouvelle appellation sans précision géographique qui témoigne de la volonté du mouvement d’établir un califat universel.

Antonio Torrenzano

 *Dans l’image le portrait de rue d’Abou Bakr al-Baghdadi, leader de l’État islamique en Irak et au Levant (EILL).

 

ActualitéBlogrollWeblogs

réfugiés_frontière_syroturque_imageDepuis quelques mois, les États-Unis, plusieurs pays européens, mais aussi la Turquie, le Canada et l’Australie multiplient les consultations pour trouver les possibles solutions, y compris par des moyens militaires, au défi posé par l’État islamique.

Sur le terrain, l’État islamique continue son avancée. Depuis dimanche, les jihadistes assiégeaient une ville-clé kurde syrienne à la frontière turque : Aïn al-Arab, après avoir pris une soixantaine de villages à la suite d’une offensive fulgurante qui a poussé à la fuite des dizaines de milliers de Kurdes syriens vers la Turquie. La prise d’Aïn al-Arab, troisième agglomération kurde de Syrie, est cruciale pour l’EI car elle lui permettrait d’administrer une large portion de la frontière syro-turque sans discontinuité.

Fort de quelque 35.000 hommes recrutés dans plusieurs pays, notamment occidentaux, ce groupe ultra radical sunnite continue de s’emparer de régions en Syrie comme en Irak, malgré l’annonce prise au sommet de Paris par la communauté internationale de détruire cette organisation par une large coalition. Selon le chef de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, la ville d’Ain al-Arab est «totalement assiégée». Ils «ont encore progressé et se trouvent à certains endroits à une dizaine de kilomètres seulement d’Ain al-Arab». Ces affrontements ont fait déjà au moins 39 morts. «La grande majorité des jihadistes tués sont des non-Syriens, dont des Tchétchènes et des ressortissants du Golfe», selon M. Abdel Rahmane.

Devant l’intensité des violences et les craintes des exactions des jihadistes, les civils kurdes de la ville et de ses environs, qui comptaient quelque 450 000 habitants avant les violences, continuaient de fuir vers la Turquie, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Depuis vendredi, quelque 70.000 civils kurdes ont déjà trouvé refuge dans ce pays, selon le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR). Haut Commissariat qui a aussi évoqué l’arrivée de centaines de milliers de personnes supplémentaires. De sa part, le tout nouveau Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU le Jordanien Zeid Ra’a al Hussein a mis en garde la communauté internationale d’un possible nettoyage ethnique.

Mais en Irak, les djihadistes de l’État islamique ne combattent pas seulement les personnes. Ils luttent également contre tout ce qui représente pour eux le mal. Comme les taliban afghans qui ont détruit nombre de représentations de Bouddha à travers le pays, l’EI s’attaque aux monuments qui ne cadrent pas avec sa doctrine. Les destructions d’édifices religieux se multiplient ainsi. Des bâtiments chrétiens sont visés par l’État islamique, comme à Mossoul, où l’archevêché des syriaques catholiques a été incendié. Des mosquées chiites et sunnites sont aussi dynamitées. L’EILL a même institutionnalisé ces destructions dans sa charte. L’article 13 stipule que les sculptures de Mossoul sont condamnées à disparaître, car elles ont été adorées avant l’Islam. Ces disparitions sont une perte immense pour le patrimoine archéologique irakien et pour toute l’Humanité.

Antonio Torrenzano