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L’attaque lancée par le maréchal Khalifa Haftar contre les autorités de Tripoli, gouvernement reconnu par la communauté internationale, n’est pas surprenante tant est l’obsession du maréchal de s’imposer comme le chef incontestable de la Libye. Galvanisé par ses anciens succès militaires, Khalifa Haftar, 74 ans, ne cache plus ses ambitions : être le nouveau Kadhafi.

Le maréchal a lancé son blitz sur Tripoli (opération militaire baptisée Libérer Tripoli) profitant de la situation d’instabilité politique qui prévaut depuis plus d’un mois en Algérie. Le militaire de l’Est libyen a donné l’ordre à ses milices de marcher sur la capitale avec le but de déclencher un nouveau conflit et le dominer. Depuis 2015, deux autorités se disputent le pouvoir en Libye : le gouvernement d’union nationale de Fayez al-Sarraj, établi fin 2015 en vertu d’un accord international parrainé par l’ONU et basé à Tripoli; une autorité rivale installée dans l’est du pays et contrôlée par l’Armée nationale libyenne (ANL) de Khalifa Haftar.

«L’heure a sonné», a déclaré jeudi 6 avril 2019, le maréchal Khalifa Haftar dans un message sonore publié sur la page Facebook de l’ANL, en dictant à ses troupes de brûler le pavé sur Tripoli où elles ne devaient épargner que les civils, les institutions de l’État et les ressortissants étrangers. La même soirée, l’officier Ahmad al Mesmari, le porte-parole du maréchal Khalifa Haftar, confirmait la nouvelle que les forces de l’ANL étaient aux portes de la capitale.

De sa part, le président du Conseil du gouvernement reconnu Fayez al Serraj ordonnait aux troupes loyales au GNA de se «tenir prêtes à faire face à toute menace». Des affrontements ont opposé ce vendredi une coalition de groupes armés loyaux au gouvernement d’union nationale aux forces de l’armée nationale libyenne (ANL) de Khalifa Haftar à une cinquantaine de kilomètres de la capitale Tripoli. Selon une source de sécurité du GNA, les combats se déroulent dans les régions de Soug al-Khamis, al-Saeh et Soug al-Sabt, à moins de 50 km au sud de Tripoli, un territoire fondamentalement de fermes agricoles. Le bureau média de l’ANL a confirmé des combats près de Tripoli. « Les forces armées et les soldats de toutes les régions de Libye sont actuellement engagés dans des affrontements violents à la périphérie de Tripoli contre les milices armées », a-t-il indiqué sur la page Facebook.

En tout cas, il s’agit des premiers combats qui nous donnent des informations claires sur les deux forces militaires depuis l’installation du GNA à Tripoli fin mars 2016. À l’échelle militaire, on ne sait pas si l’offensive a l’ambitionne à encercler la ville de Tripoli ou à entrer vraiment dans la capitale. Du côté du gouvernement internationalement reconnu, Fathi Bach Agha, ministre de l’Intérieur, a multiplié ses déclarations depuis ce jeudi. Il est en train d’accuser, sans le nommer, un pays arabe pour avoir donné le feu vert à cette offensive de Khalifa Haftar. Il y a moins d’une semaine, Khalifa Haftar avait été en Arabie saoudite. Il avait rencontré le roi Salman et le prince héritier. Même le président du conseil gouvernement d’union nationale de Fayez al-Sarraj contre la France.

Washington, Paris, Londres, Rome et Abou Dhabi ont réagi dans un communiqué commun, demandant à «toutes les parties» libyennes de faire baisser «immédiatement les tensions». Le Kremlin a pour sa part mis en garde la communauté diplomatique contre la possible «reprise du bain de sang» en Libye. Moscou a appelé tous les acteurs politiques du pays à un règlement «pacifique et politique» du conflit. «Nous estimons indispensable de poursuivre tous les efforts possibles pour une résolution complète de la situation avec des moyens politiques et pacifiques», a déclaré le porte-parole Dimitri Peskov qui insiste sur le fait que Moscou ne participe «d’aucune manière» au soutien militaire des troupes du maréchal Khalifa Haftar, même s’il a été reçu à Moscou en 2017 par le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. Cette escalade des tensions intervient 10 jours avant la tenue de la Conférence nationale libyenne sous l’égide des Nations Unies, du 14 au 16 avril, appelées à dresser une feuille de route pour sortir le pays du chaos.

En visite en Libye, le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, s’est dit jeudi préoccupé par le risque de confrontation. «Je suis profondément préoccupé par les mouvements militaires en Libye et le risque de confrontation. Il n’y a pas de solution militaire. Seul le dialogue intra-libyen peut résoudre les problèmes », a dit Antonio Guterres sur son compte Twitter. « Je quitte la Libye avec une profonde inquiétude et un coeur lourd », a ensuite déclaré le secrétaire des Nations Unies à l’aéroport, « espérant toujours possible d’éviter une confrontation sanglante à Tripoli et ses environs». Réunis vendredi en France, les ministres des Affaires étrangères des sept pays les plus industrialisés (G7) ont exhorté «tous les acteurs à stopper immédiatement tous les mouvements militaires vers Tripoli, qui entrave les perspectives du processus politique mené par l’ONU».

Le maréchal Khalifa Haftar jusqu’où ira-t-il ? Si certains voient en lui un nouveau Muammar Kadhafi, il n’en a pas moins le soutien de l’entière communauté internationale, même si lui bénéficie de solides soutiens à l’étranger. L’homme fort de la Cyrénaïque s’imposera-t-il sur la chaotique scène politique libyenne ? Né en 1943, dans la ville d’Ajdabiya, dans l’est, le jeune Khalifa entre à l’Académie militaire royale à 20 ans. Il y fait la connaissance de Muammar Kadhafi. Ensemble, ils trament le coup d’État qui, dans la nuit du 31 août au 1er septembre 1969, met à la porte le roi Idris Ier et installe Kadhafi à la tête du pays.

En 1978, Kadhafi envoie Khalifa Haftar suivre une formation militaire à Moscou. Huit ans plus tard, l’ancien chef libyen lui confie la délicate conquête de la bande d’Aozou, aride langue de terre à l’extrême nord du Tchad. L’opération militaire est un échec. L’armée du président tchadien Hissène Habré,soutenue par les forces françaises, anéantit le corps militaire libyen. Le maréchal Haftar est capturé avec plusieurs centaines d’hommes. Humilié, Kadhafi l’abandonne à son sort. Son ancien compagnon d’armes restera au Tchad soutenu par la CIA américaine jusqu’à l’arrivée au pouvoir d’Idriss Déby, nouveau président tchadien soutenu par Mouammar Kadhafi.

Avec Idriss Déby, Khalifa Haftar est déclaré persona non grata. Les services secrets USA le rapatrient vers les États-Unis et l’installent dans une petite ville de la Virginie occidentale. Là-bas, Khalifa Haftar demeurera vingt ans. Haftar, l’homme des Américains ou l’homme de tous les services secrets ? Cette réputation lui colle à la peau lorsqu’il rentre en Libye en 2011 et soutient l’insurrection anti-Kadhafi. Il prend la direction des combats contre les troupes du Raïs, mais il se retrouve englué dans des luttes de pouvoir. L’Histoire aurait pu s’arrêter là, mais Khalifa Haftar est très habile et il connait très bien les alchimies précaires du chaos libyen.

Antonio Torrenzano

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Depuis huit ans, la Syrie bascule encore dans un conflit sanglant et une tragédie humaine aux dimensions colossales. Déclenché en 2011 par la répression de manifestations pacifiques par le régime de Bachar el-Assad, le conflit syrien s’est accentué au fil des années avec l’implication de pays étrangers et de groupes djihadistes. Le conflit syrien a également provoqué «la plus grande crise humanitaire que le monde ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale», selon l’expression-choc des Nations Unies.

En huit ans, le conflit a fait plus de 380.000 morts, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme. Le conflit a également fait 6,1 millions de déplacés à l’intérieur de Syrie et 5,6 millions de réfugiés dans les pays voisins surtout au Liban, en Jordanie, en Irak et en Turquie selon les données statistiques du HCR. Mais, il faudra de même recenser les centaines de milliers de Syriens qui ont afflué en Europe fuyant la guerre. À ce terrible bilan humain, il y a pareillement la désastreuse situation économique du pays. Dans un ancien rapport financier de 2017 sur la Syrie, la Banque Mondiale estimait que le coût des pertes dues à la guerre était 226 milliards de dollars (183 milliards d’euros), c’est-à-dire l’équivalent de quatre fois du produit intérieur brut (PIB) d’avant le conflit. Selon le même organisme économique international, le conflit aurait fait revenir trois décennies en arrière l’économie syrienne. Sur le terrain, la situation humanitaire demeure ordinairement complexe.

Pour la plupart des familles syriennes, le cauchemar des bombardements et des coups de feu incessants est terminé. Le gouvernement a repris le contrôle d’une bonne partie du pays, sauf pour ce qui est d’un dernier bastion de l’opposition autour d’Idlib. Ceux qui ont d’une manière ou d’une autre survécu aux obus et aux snipers doivent à présent survivre dans une paix incertaine. La ville d’Alep est par exemple un tas de ruines et il faudra au moins une génération pour la reconstruire. La ville qui détenait en son sein l’un des plus fabuleux bazars de la Route de la soie est maintenant exempte de couleurs. Une route réduite kilomètre après kilomètre en miettes de ciment gris.

Le chef de l’humanitaire des Nations Unies, Mark Lowcock, a prévenu le Conseil de sécurité de l’ONU que des millions de Syriens vivant sous des tentes ou dans des bâtiments dévastés par la guerre ils ont besoin d’assistance. Avec les munitions non explosées qui jonchent encore le sol, seules les rues principales sont sûres, en particulier dans les zones à l’est, qui ont le plus payé le tribut des bombardements. L’ONU considère que la situation est trop risquée pour un retour chez eux des réfugiés. Dans toute la Syrie, trois écoles sur dix et la moitié des centres de soins sont fermés. Huit ans après le début du conflit syrien, le secrétaire général Antonio Guterres a lancé un appel urgent à tous les acteurs du conflit.

Tout d’abord, respecter leurs engagements et l’accord de cessez-le-feu conclu sur Idlib. «Les opérations de lutte contre le terrorisme ne peuvent pas outrepasser la responsabilité de protéger les civils. Un cessez-le-feu à Idlib est une étape nécessaire pour ouvrir la voie à un cessez-le-feu à l’échelle nationale», a-t-il dit. Le secrétaire général a ensuite souligné que quelconque opération militaire envisagée, planifiée ou exécutée par un acteur doit pleinement respecter le droit international humanitaire et faire en sorte que les droits de l’homme soient protégés. «Des civils innocents, en majorité des femmes et des enfants, ont payé le prix fort dans ce conflit en raison du mépris flagrant du droit international humanitaire et des droits de l’homme», a-t-il déploré.

Le chef de l’ONU a également appelé à tous les acteurs de la guerre à garantir un accès humanitaire durable en Syrie alors que 11,7 millions de personnes ont besoin de protection et d’assistance. Le secrétaire des Nations Unies a enfin réitéré son soutien entier au nouvel envoyé spécial, Geir Pedersen, pour faciliter un processus de paix et politique dirigé et contrôlé par les Syriens afin de mettre en œuvre la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité et le communiqué de Genève de juin 2012.

Pour le chef de l’ONU, la communauté internationale a «l’obligation morale et l’impératif politique» d’encourager les Syriens à s’unir autour d’une vision commune pour leur avenir. Un avenir «qui protège les civils, allège les souffrances, prévient la poursuite de l’instabilité, s’attaque aux causes profondes du conflit et crée enfin une solution négociée crédible», a-t-il dit. En Syrie, toutefois, après huit ans de guerre, la situation reste une catastrophe très compliquée.

Antonio Torrenzano

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Geir Pedersen, nouvel envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, a pris ses fonctions lundi 7 janvier 2019. Le diplomate norvégien âgé de soixante-trois ans avait été précédemment l’ambassadeur de Norvège en République populaire de Chine. Le nouvel envoyé s’est dit honoré d’assumer des fonctions au service du peuple syrien et de ses aspirations à la paix.

Geir Pedersen a été Représentant de la Norvège auprès de l’Autorité palestinienne (1998 à 2003),représentant personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Liban du Sud (2005-2007), Coordonnateur spécial pour le Liban (2007-2008) et représentant permanent de son pays auprès des Nations unies à New York de 2012 à 2017. La feuille de route de Geir Pedersen aura comme but, comme le même indique, d’oeuvrer en faveur d’une solution pacifique et de la mise en oeuvre de la résolution RCS2254 : plan de paix des Nations Unies pour la Syrie1. Le diplomate norvégien succède à Staffan de Mistura et il est le quatrième médiateur des Nations Unies depuis le début du conflit syrien en 2011. Le nouvel émissaire de l’ONU est arrivé, ce mardi, à Damas, pour sa première visite dans le pays depuis sa nomination à ce poste. Le voyage du médiateur onusien intervient alors que sur le terrain, l’UNICEF a annoncé qu’au moins 15 enfants ont perdu la vie en Syrie en raison du froid hivernal et du manque de traitements médicaux.

Mais, «outre les femmes et les enfants, de nombreuses personnes âgées sont à risque», a déclaré Andrej Mahecic, porte-parole du HCR, lors d’un point de presse à Genève. Selon le HCR, les récents combats dans l’est de la Syrie ont également produit des déplacements à grande échelle entre la population civile. Au cours des six derniers mois, des affrontements et des frappes aériennes dans le sud-est du gouvernorat de Deir-ez-Zor ont forcé environ 25.000 personnes à fuir. «Nous sommes inquiets du sort des civils qui continuent d’être bloqués dans les zones contrôlées par l’État islamique», a ajouté Andrej Mahecic. Les familles déplacées qui se rendent au camp d’Al Hol, dans le nord-est de la Syrie, ont indiqué au personnel du Haut Commisariat pour les Réfugiés que les civils qui tentent de fuir font face à de nombreuses difficultés et de dangereux obstacles pour quitter la zone de conflit.

Dans ces conditions, le Haut Commisariat est en train d’appeler toutes les acteurs du conflit, ainsi que toutes les personnes qui ont une influence sur les belligérants, à garantir la liberté de circulation et la sécurité du passage. La majorité des personnes récemment déplacées ont cherché refuge au camp d’Al Hol. Plus de 8.500 personnes se sont installées au camp d’Al Hol au cours des cinq dernières semaines. Par ailleurs, dans le gouvernorat de Hassakeh, le camp de fortune d’Al-Areesha, qui abritait environ 10.000 déplacés, a été touché par la crue des eaux d’un réservoir tout proche. Plus des deux tiers du camp sont sous l’eau. Les résidents s’installent dans les zones les plus élevées du camp.Au Liban voisin, la tempête Norma a affecté cette semaine les communautés libanaises et réfugiées.

Près de huit ans après le début de la guerre civile, la population syrienne reste partagée entre espoir et inquiétudes : les combats perdent en intensité dans certaines régions du pays, mais la guerre est loin d’être terminée.

Antonio Torrenzano

 

 

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L’émissaire des Nations Unies pour la Syrie Staffan de Mistura quittera son poste à la fin novembre. Après quatre ans et quatre mois de tentatives infructueux pour mettre fin au conflit, Staffan de Mistura a choisi pour des «raisons purement personnelles» de quitter son poste. Une solution politique à l’inextricable conflit syrien reste dans ces conditions très faible.

Stafan de Mistura avait succédé en 2014 à Lakhdar Brahimi. Le diplomate italo-suédois âgé de 71 ans a été le troisième diplomate à avoir occupé ce poste pendant le conflit en Syrie qui dure depuis plus de sept ans. Ses prédécesseurs ont été l’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et le diplomate Algérien Lakhdar Brahimi. Le représentant de l’ONU sera reçu une dernière fois à Damas la semaine prochaine; la rencontre devrait avoir pour objet le début des travaux du Comité chargé de rédiger une nouvelle Constitution syrienne. Ce Comité, dont la création avait été décidée en janvier 2018 lors d’une réunion à Sotchi, devrait travailler sur une réforme juridique des lois fondamentales qui détermineraient l’organisation et les fonctions du nouveau gouvernement syrien.

Les Nations Unies considèrent que dans ce processus subsiste un élément clé pour trouver une solution politique au conflit. À ce jour, et après trois révisions, une liste de 50 noms de personnalités a été publiée pour faire partie de ce comité constitutionnel «impartial, équilibré et inclusif », a souligné Staffan de Mistura dans un exposé devant membres du Conseil de sécurité de l’ONU. Les Nations Unies ont en outre veillé à ce que tous les religions, groupes claniques et ethnies soient représentés. Au titre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, l’ONU a également insisté pour que la liste compte un minimum de 30% de femmes.

Staffan de Mistura restitue son mandat d’émissaire pour le dossier syrien au moment où la destinée de la province d’Idlib, le dernier bastion aux mains des insurgés et des djihadistes, est suspendue à un fragile accord de cessez-le-feu dicté par Moscou avec le concours de la Turquie. Dans cette dernière étape, l’ONU n’aura été que spectatrice de cet arrangement politique, dont l’avenir dira s’il offre des solutions réelles.

Antonio Torrenzano

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Sept ans de guerre, plus de 365 000 morts, des millions de déplacés, de réfugiés dans d’autres Pays, mais pas encore le signe d’une paix durable à l’horizon en Syrie. Sur le terrain, le conflit est presque gagné par le gouvernement de Damas et ses alliés, mais les solutions politiques de stabilisation du pays et même de la région restent encore une abstraction, une simple image.

Avant 2011, la province d’Idlib – 100 kilomètres sur 60, adossés à la frontière turque – comptait moins de 900 000 habitants. Aujourd’hui, ils sont près de 3 millions d’individus, regroupés de gré ou de force au fil des défaites, à demeurer dans la région. Dans cette terrible affaire, la reconquête d’Idlib, qui oppose forces syriennes et Russes, avec des milices iraniennes, aux djihadistes du Hayat Tahrir al-Cham, fait revivre toutes les réminiscences causées par les batailles d’Alep, de la Ghouta, de Raqqa, de Deraa.

Dans ces derniers jours, le spectacle de la peur des civils cernés dans l’enclave rebelle de la région d’Idlib était devenu une nouvelle fois d’illustration supplémentaire de l’échec de la diplomatie internationale dans ce conflit. « Un échec flagrant de la diplomatie et des organisations internationales, mais aussi des organisations régionales, comme la Ligue arabe. En Syrie – selon le professeur Ziad Majed – tout ce qui a été construit depuis la Seconde Guerre mondiale en matière de droits, de conventions, et de mécanismes de condamnation et de jugement sera désormais plus que jamais remis en question».

Une incapacité de la politique internationale qui peut être également analysée de manière chronologique par l’incapacité des Nations Unies à peser sur le cours des événements syrien. En août 2012, Kofi Annan est le premier à jeter l’éponge, six mois après sa désignation comme représentant spécial de l’ONU pour la Syrie. «La militarisation croissante sur le terrain et le manque d’unanimité au Conseil de sécurité – déclara l’ancien secrétaire – m’empêchent de travailler pour la paix et ils changent mon rôle». Le successeur, Lakhdar Brahimi, fin diplomate onusien, ancien constructeur de l’accord de Taëf qui mit fin à la guerre civile libanaise en 1989, fera le même. Après avoir organisé début 2014 les premières négociations directes entre gouvernement syrien et opposition politique à Genève, quelques mois plus tard Lakhdar Brahimi jettera l’éponge pour l’impossibilité de dialogue et la volonté à négocier parmi les deux acteurs.

En 2017, le troisième émissaire onusien Staffan de Mistura parviendra pour la première fois à faire accepter aux différentes parties une feuille de route, mais les pourparlers de Genève s’arrêtent sur la destinée du président Syrien Assad. Certes, la militarisation du conflit a empêché à la diplomatie internationale en Syrie de trouver de manière rapide de voies pour la paix. Milliers de combattants, de milliers de tonnes d’armes ont afflué de toutes parts sur le théâtre syrien devenu un conflit mondial. Aujourd’hui, dans ce contexte ultra morcelé, la Russie tente à son tour de traduire sa victoire militaire en succès diplomatique. Vladimir Poutin réussira-t-il dans son entreprise ?

Antonio Torrenzano

 

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À Idlib, au nord-est de la Syrie, les 2,5 millions de civils se préparent à une bataille imminente. L’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, a averti la communauté internationale de conséquence gravissime pour la population civile de l’opération militaire que le gouvernement de Damas s’apprêterait à lancer pour reprendre la province dans le nord-ouest du pays.

À présent à Idlib, dernière région syrienne échappant au pouvoir du régime de Damas et dernier grand bastion terroriste du pays, se trouverait une multitude de corps rebelles : le groupe Hayat Tahrir al-Cham, une branche d’Al-Qaïda, dont le chef, Abou Mohamed al-Joulani, dispose de 25 000 hommes; d’autres milliers d’islamistes regroupés au sein du Front al-Nustra et plus de 10.000 “combattants étrangers” selon les Nations Unies. Par rapport à ce nombre de rebelles, de l’autre côté, l’armée syrienne et ses 80 000 hommes. Armée du régime de Damas épaulés par son allié russe qui met à disposition des dizaines d’avions. Pour Moscou, la province d’Idlib serait un foyer du terrorisme, une enclave de rebelles modérés et d’islamistes radicaux dont le gouvernement syrien a le droit de les chasser de son territoire a réaffirmé vendredi le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.

Selon les Nations Unies, cette imminente bataille pourrait provoquer un très haut nombre de morts et plus de 800 000 personnes déplacées. Lors d’une conférence de presse à Genève, l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie a proposé d’aller à Idlib pour garantir la mise en place des couloirs humanitaires afin d’évacuer la population civile avant l’offensive imminente de l’armée syrienne. Un geste que l’envoyé spécial de l’ONU avait déjà proposé pour la ville d’Alep en 2016.

« Je suis prêt à m’engager, personnellement et physiquement […], à assurer un couloir humanitaire […] pour donner la possibilité d’évacuer la population civile vers une zone plus sûre», a dit Staffan de Mistura . « Il n’y a pas d’autre Idlib. Où peuvent-ils aller ? Chaque fois qu’il y a eu une crise […], il y avait un endroit où beaucoup pouvaient choisir de partir. Mais il n’y a pas d’autre Idlib », a notifié Staffan de Mistura. L’assistance à la population civile vivant d’Idlib est importante, car il s’agit fondamentalement des habitants syriens déplacés ou évacués d’autres zones de conflit alors que les forces gouvernementales étaient en train de poursuivre la reprise de plusieurs territoires du pays.

Dans la région d’Idlib, dans les derniers six mois, plus de 500 000 personnes seraient arrivées après avoir fui les offensives du gouvernement à Deraa, dans la Ghouta orientale et dans d’autres zones tenues par les rebelles. La proposition de Staffan de Mistura a fait en outre écho à l’appel lancé mercredi par le secrétaire général de l’ONU, qui avait proféré sa profonde préoccupation par les risques d’une nouvelle catastrophe humanitaire dans le cas d’une opération militaire à Idlib qui compte près de trois millions d’habitants et se trouve à la frontière avec la Turquie.

Antonio Torrenzano

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Le 3 août 2014, Daech a lancé une vaste campagne d’enlèvement, de viol, d’esclavage sexuel, de commerce illicite d’êtres humains et d’autres crimes contre la communauté Yézidie et d’autres groupes minoritaires vivant dans la région de Sinjar, dans le nord de l’Iraq. Durant cette attaque génocidaire, des centaines de personnes ont été exécutées et des milliers de femmes ont été capturées par Daech pour être vendues sur les marchés du sexe. Au cours du mois d’août 2014, les massacres de Daech vont se succéder avec extrême violence, barbarie, inhumanité. Les hommes sont exécutés sommairement, les femmes réduites à l’état d’esclaves sexuelles. Les enfants, quand ils ne sont pas assassinés, sont embrigadés pour servir le « califat » naissant. Les survivants qui ont réussi à fuir (20 000 à 30 000 personnes selon le Haut Commissaire pour les réfugiés des Nations Unies), confinés sur les hauteurs du mont Sinjar, sans de l’eau ni de la nourriture, devront attendre le secours tardif de la coalition internationale et de l’armée kurde. Les forces militaires ouvrent finalement un corridor humanitaire quinze jours après le début des massacres.

On estimait entre 500 000 et 700 000, le nombre d’yézidis dans le monde et près de 320 000 peuplaient la région du Sinjar avant l’intervention de l’État islamique. Ils ne seraient plus que 50 000 aujourd’hui, selon l’ONG Yazda. Toutefois, l’ampleur de ce génocide et féminicide, considéré par les Yézidis comme le 74e massacre de leur histoire n’est pas encore déterminé avec précision. De même, on ignore le nombre de civils exécutés et on ne sait pas précisément combien de femmes et enfants ont été enlevés.

Tous les 3 août, des commémorations sont organisées dans de nombreux pays, mais la requête d’une reconnaissance politique internationale du « Génocide Yézidi » n’est pas encore arrivée de manière considérable de la part de la communauté internationale. À présent, de nombreuses représentations nationales ou supranationales ont reconnu le signe génocidaire des crimes perpétrés par les jihadistes. Le Parlement européen a déclaré en février 2016 que le groupe EI commettait « un génocide contre les chrétiens, les yézidis et d’autres minorités religieuses et ethniques ».

La même expression par le Congrès américain dans une résolution adoptée le mois suivant, au mois de mars 2016. Un rapport des Nations Unies, publié en juin 2016, a reconnu que le peuple Yézidis a subi un génocide depuis que Daech a envahi leur région. Au mois de septembre 2016, le gouvernement irakien et les Nations Unies ont signé un accord commun pour prévenir et combattre les violences sexuelles liées aux conflits.

Bagdad a récemment annoncé la création d’un comité interministériel avec l’ONU pour un travail de compilation de témoignages d’exactions qui devrait permettre, dans un lendemain plus ou moins proche, d’engager des actions devant des tribunaux pour génocide du peuple Yézidis, mais pas devant la Cour pénale internationale. Pourquoi pas devant la Cour pénale internationale ? Parce que la Cour serait impuissante face aux crimes des jihadistes. L’institution internationale n’a pas de compétence territoriale sur la Syrie et l’Irak, pays qui ne sont pas sujets étatiques au Statut de Rome. La Cour serait seulement compétente de juger les ressortissants de pays parties de l’institution pénale et qui sont venus combattre dans les rangs de l’organisation État islamique. Depuis quatre ans de ces évènements, les communautés yézidies de par le monde remuent ciel et terre pour obtenir justice. Bien que Daech ait été défait militairement, des milliers d’yézidis sont encore portés disparus et aucun membre de l’ancien État islamique n’a été poursuivi pour les crimes de violences sexuelles. Les Yézidis, leur religion et leur culture sont aujourd’hui à nouveau menacés : dans le cadre de l’invasion d’Afrin qui a débuté en janvier 2018, la Turquie et ses alliés ont détruit de nouveau nombre de villages et quartiers habités par les Yézidis ainsi que des lieux saints leur appartenant.

Par ailleurs, les occupants d’Afrin s’adonnent quotidiennement aux pillages, enlèvements et assassinats des membres de la communauté. Le génocide a été condamné vendredi par Pramila Patten, représentante de l’ONU sur la violence sexuelle dans les conflits à l’occasion de ce triste anniversaire.

« Des histoires horribles qui devraient choquer la conscience de l’humanité », a déclaré Pramila Patten. « L’idéologie de Daech ne peut être véritablement vaincue que si les survivants reçoivent justice et réparation pour les crimes qu’ils ont subis. La réconciliation ne peut avoir lieu que si les personnes disparues sont retrouvées », a souligné Pramila Patten. « Quatre ans après les attaques contre Sinjar, aucun des auteurs de violences sexuelles liées au conflit de Daech n’a été traduit devant un tribunal et les besoins des survivants et de leurs enfants restent immenses », a déclaré la Représentante onusienne. Enfin, outre la justice, les victimes de violences sexuelles ont toujours besoin d’un soutien médical et psychosocial et attendent d’être réunies avec des membres de leurs familles portés disparus.

Antonio Torrenzano

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Après près de trois ans de siège, 6.900 femmes, enfants et hommes ont finalement pu quitter les villes syriennes de Foah et de Kafraya, à la suite d’une entente entre les différents sujets du conflit. Les deux villes largement chiites, situées dans le gouvernorat d’Idlib, en majorité tenue par les rebelles, ont été assiégées par des groupes armés non étatiques depuis octobre 2015, et les individus piégés avaient désespérément besoin d’une aide vitale, notamment alimentaire et médicale.

Les Nations Unies n’ont pas été en mesure d’acheminer leur aide humanitaire à ces villes depuis septembre 2017. Les civils ont été escortés par le Croissant-Rouge arabe syrien jusqu’au passage d’Al-Eiss, dans le sud du gouvernorat d’Alep. De sa part, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés a communiqué que plus de 760.000 réfugiés syriens sont rentrés chez eux pendant le premier semestre de l’année en cours. L’Agence onusienne a indiqué en outre que parmi ces chiffres, 13.000 réfugiés sont revenus des pays voisins.

Environ 4 millions de Syriens s’étaient réfugiés chez les pays de la région (Jordanie, Liban, Turquie, Irak), pour échapper aux combats et aux violences. La Turquie accueille actuellement près de 3,6 millions de réfugiés; le Liban plus d’un million d’exilés poussés à l’exil par le conflit qui fait rage dans leur pays depuis 2011.

À l’échelle diplomatique, la Russie a proposé aux États-Unis de coopérer afin d’assurer le retour des réfugiés en Syrie, quelques jours après un sommet entre Vladimir Poutine et Donald Trump. « Des propositions concrètes sur l’organisation du travail visant à assurer le retour chez eux des réfugiés ont été envoyées à la partie américaine », a déclaré un haut responsable du ministère, le général Mikhaïl Mizintsev. Ces propositions « tiennent compte des accords obtenus par les présidents russe et américain au cours de leur rencontre à Helsinki […]. Les propositions russes sont actuellement en train d’être examinées par Washington», a-t-il précisé.

De sa part, le secrétaire d’État américain Michael Pompeo a indiqué vendredi 20 juillet que les deux dirigeants avaient commencé à discuter du rapatriement des millions de réfugiés syriens. « Il est important pour le monde que ces réfugiés peuvent regagner leur pays au bon moment, par un mécanisme basé sur le volontariat », a affirmé Michael Pompeo. «C’est dans cette optique que nous travaillons tous. C’est dans cette optique que travaille l’ONU […] et c’est ce dont le président Poutine et le président Trump ont parlé ».

Antonio Torrenzano

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L’armée syrienne a hissé jeudi 12 juillet son drapeau national dans le secteur rebelle de la ville de Deraa, l’agglomération de la révolte contre Bachar Al-Assad en 2011. Les rebelles syriens ont remis au régime de Damas leurs armes lourdes dans le cadre de l’accord conclu le 6 juillet 2018 et parrainé par Moscou.

Les rebelles ont déposé les armes en acceptant le pacte offert par la Russie, qui a permis à ceux qui le souhaitent d’évacuer. La destruction systématique des quartiers rebelles à Alep-Est et dans la Ghouta orientale a eu un effet escompté : inutile de se battre en épargnant la population civile. Par l’action militaire de Russie et Iran en tête, le président Bachar el-Assad gouverne désormais plus de 68% du pays. La région méridionale de Deraa était très importante pour Damas, car elle confine avec la Jordanie et sa frontière et elle était une plaque tournante pour les échanges commerciaux de la Syrie.

Les rebelles ont perdu le conflit et le président Bachar el-Assad va rester au pouvoir. Le régime contrôle désormais la majorité du territoire et presque la totalité des frontières avec le Liban, la Jordanie et l’Irak. À présent à l’échelle diplomatique, le principal défi ne sera plus de discuter prioritairement du maintien ou non de Bachar el-Assad au pouvoir ou de faire de la lutte contre le terrorisme le principal pari de cette guerre. La priorité absolue de prochains pourparlers sera celle de trouver des solutions politiques définitives au conflit syrien.

Après Deraa, les négociations ne seront plus avec les rebelles, mais avec les puissances régionales et les Occidentaux impliqués dans cette guerre. Cet enjeu deviendra primordial pour le régime de Damas. La reprise des territoires de l’Est syrien – essentiel à la survivance économique du régime – contrôlé par les Kurdes et sous protection américaine, devra se faire en passant par des négociations diplomatiques. Le même processus concernera la province d’Idleb (la dernière aux mains des rebelles), et le nord-ouest du pays, où l’armée turque est déployée.

Surement, ce dossier a été l’un des principaux sujets de discussion du sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine à Helsinki le 16 juillet. Mais aux prochains pourparlers, autour de la table sous le parrainage russe, les puissances régionales et les Occidentaux devront accepter les conditions de Moscou pour un retour à la normalisation.

Antonio Torrenzano

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Depuis deux semaines, le régime syrien conduit une imposante offensive contre les rebelles dans la province de Deraa, dans le sud du pays. Selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), plus de 300 000 individus auraient fui leurs foyers depuis le 19 juin et les mêmes auraient, pour la plupart, trouvé refuge près des frontières avec la Jordanie.

«La plupart vivent dans des conditions de précarité et d’insécurité […], dont environ 60 000 personnes qui demeurent au point de passage frontière avec la Jordanie à Nasib/Jaber», a précisé le Haut-Commissaire Filippo Grandi. À l’intérieur de la Syrie, la plupart des personnes déplacées sont contraintes de vivre en plein air ou dans des abris de fortune, « bien que les communautés locales de la région aient ouvert leurs portes pour accueillir un grand nombre de personnes déracinées  […]. Un grand nombre de femmes et d’enfants se trouvent parmi les personnes déracinées, ainsi que des personnes âgées, des blessés et des malades», a fait remarquer Filippo Grandi. Pour le Haut-Commissaire, « les hostilités dans la région frontalière syro-jordanienne constituent un risque vital et ne laissent pas d’autre choix que de rechercher la sécurité en Jordanie voisine ».

«La protection, la sécurité et la sûreté des civils ainsi que celles des travailleurs humanitaires sont cruciales », note le UNHCR qui ajoute qu’il s’agit d’un principe fondamental en vertu du droit international humanitaire qui doit être garanti par toutes les parties au conflit et par la communauté internationale. De sa part, le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres a apporté son complet appui aux déclarations faites par Filippo Grandi. António Guterres a appelé toutes les parties au conflit à faire cesser les hostilités afin de permettre aux agences humanitaires de se dédier au secours des blessées et des réfugiés. Même si la priorité absolue reste à tout instant la même : celle de trouver une solution politique au conflit syrien et d’épargner de nouvelles souffrances aux civils.

Antonio Torrenzano