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alep_ville_detruite_imageAprès quatre ans de conflit, la Syrie est en train de subir des dégâts économiques et sociaux qui n’auraient pas été inimaginables avant 2011. Les données statistiques disponibles sont minimales, mais une estimation reste possible. Le prix de la guerre aurait été de plus de 140 milliards de dollars jusqu’aujourd’hui, c’est-à-dire 170 % du PIB syrien. Certains économistes prévoient que même si la croissance économique syrienne devait être de 5% au moins chaque année, il lui faudrait plus de 30 ans pour se remettre de la guerre.

Avant le conflit en 2009, le produit intérieur brut se répartissait dans les proportions suivantes : agriculture 19 %, industrie 34 % et services 47 %. Depuis 2010, le PIB a été presque divisé par deux. La Syrie exportait avant la guerre près de 92 % de son pétrole vers l’Union européenne et sa production pétrolière d’avant-guerre était de 400.000 barils par jour. Aujourd’hui elle n’est que d’à peine 15.000 barils. La dévaluation de la monnaie continue : le dollar est passé de 47 à 150 livres syriennes. Le secteur du tourisme, par exemple, dont l’activité s’élevait à six milliards de dollars soit 10% du PIB avant le conflit, n’est plus qu’un souvenir à présent. Au mois d’octobre 2013, l’ONU avait estimé que l’économie syrienne avait perdu 103 milliards de dollars entre le début du conflit et la moitié de l’année 2013, dont 49 milliards pour la seule année 2012. Le chômage s’élevait jusqu’au premier trimestre de l’année 2013 à 2.3 millions de postes de travail (surtout de travailleurs) en raison de l’arrêt de nombreuses usines et la fuite d’hommes d’affaires hors du pays avec leurs capitaux. Le résultat aujourd’hui serait le suivant : le taux de chômage s’approche aujourd’hui au 58% et la moitié des 23 millions de Syriens vivent à présent sous le seuil de pauvreté dont 4,4 millions survivent dans une pauvreté extrême, toujours selon les Nations Unies.

Mais, le conflit en Syrie a également provoqué au sein des pays de la région des transformations économiques. Un document de travail de la Banque mondiale publié récemment a montré par exemple les effets économiques directs et indirects de ce conflit sur six pays de la Région du levant : la Turquie, la Syrie, le Liban, la Jordanie, l’Iraq et l’Égypte. Le conflit a fortement perturbé les échanges commerciaux parmi ces pays, alors qu’ils avaient été multipliés par sept entre le début et la fin des années 2000. Le même a apposé une limite aux travaux de renforcement des liens commerciaux intra régionaux qui étaient se manifestés à la suite de la signature d’un accord entre la Turquie, la Syrie, le Liban et la Jordanie en 2010. Les analyses de la Banque Mondiale montrent que la guerre a entraîné, jusqu’à présent, des pertes de production se chiffrant à près de 35 milliards de dollars (aux prix de 2007) pour les six pays concernés. En d’autres termes, le poids économique cumulé de ces économies, mesuré par leur produit intérieur brut, aurait été supérieur de 35 milliards de dollars si la guerre n’avait pas éclaté… Ce coût considéré dans son ensemble est tout simplement équivalent au PIB syrien de 2007.

Toutefois, ces pertes sont inégalement réparties. Les pays les plus touchés par la guerre, la Syrie et l’Iraq, paient le plus lourd tribut sur le plan des coûts économiques directs et du manque à gagner dû à l’absence d’une intégration économique plus poussée: en Syrie et en Iraq, le revenu moyen par habitant en termes constants est ainsi inférieur de respectivement 25 et 28% à ce qu’il aurait pu être sans le conflit. Les coûts directement imputables à la guerre sont considérables, puisqu’ils sont associés à une diminution du PIB par habitant de 14% en Syrie et de 16% en Iraq. Selon l’Economist intelligence unit, le PIB syrien a été de 29 milliards de dollars en 2014, bien loin des 60 milliards enregistrés en 2010. Les sanctions internationales adoptées depuis 2011 ont largement contribué à paralyser de manière principale le secteur bancaire et le secteur pétrolier autant que tous les autres. L’embargo commercial auquel la Syrie est soumise constitue le principal facteur à l’origine de ces coûts directs, suivis par la diminution des effectifs et des compétences de sa population active due aux pertes humaines et à l’exode des réfugiés, la destruction des infrastructures, et l’augmentation du coût de l’activité économique dans les zones touchées par le conflit.

Les autres pays de la région ont subi des pertes au niveau du revenu moyen par habitant sans pour autant enregistrer des pertes de revenu global dues aux effets directs du conflit. L’afflux de réfugiés au Liban, en Jordanie et en Turquie a en effet dopé la consommation, l’investissement et l’offre de main-d’œuvre, et par conséquent la taille de leur économie. Mais, dans tous les cas, comme le revenu global a moins augmenté que la population, la guerre a eu un impact négatif sur le niveau de vie dans ces pays : au Liban, le revenu moyen par habitant est inférieur de 11% au niveau qu’il aurait pu atteindre s’il n’y avait pas eu de guerre, tandis que la baisse est limitée à 1,5% en Turquie, en Jordanie et en Égypte. Pour ces trois pays, le manque à gagner dû au gel des initiatives d’intégration commerciale est supérieur aux coûts directs de la guerre. En Syrie, la quasi-totalité des secteurs économiques a souffert, mais la propriété foncière a été particulièrement touchée du fait de la forte chute de la demande de terrains causée par l’exode d’un très grand nombre d’habitants. Au Liban et en Turquie, en revanche, les propriétaires terriens ou les détenteurs d’entreprise ont eu un avantage de la crise syrienne, car l’afflux de réfugiés syriens a contribué à augmenter la demande locale de biens et de services (faisant ainsi augmenter les prix) mais aussi l’offre de main-d’œuvre. Les effets directs du conflit dans la région ne constituent donc malheureusement qu’une partie des coûts économiques réels de la guerre civile en Syrie et de la progression de Groupe État Islamique. La guerre a mis fin au développement d’un commerce intra régional et aux plans de renforcement de l’intégration commerciale. Mais, l’économie syrienne a jusqu’à présent évité le pire, c’est-à-dire l’effondrement complet par l’action financière de la Russie et de l’Iran. L’Iran a ouvert depuis juillet 2013 une ligne de crédit de 3,8 milliards de dollars à faveur du régime de Damas. Moscou, en revanche, est en train de jouer un rôle de soutien industriel pour l’économie du pays.

La faim et l’indigence sont devenues l’ennemi quotidien des masses populaires dans toute la Syrie. L’économiste Jihad Yazigi, responsable du site d’information économique The Syria Report, explique que « l’économie syrienne s’est radicalement transformée et elle a été en grande partie détruite. De même, les grandes entreprises ont cessé de produire. De nombreux acteurs industriels et financiers ont quitté le pays ».

Antonio Torrenzano

*Document de travail de la Banque Mondiale n°1 sur l’impact économique du conflit syrien dans la région du Levant (Turquie, Syrie, Liban, Jordanie, Irak et Égypte). Site web http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/2004/12/22316371/economic-effects-syrian-war-spread-islamic-state-levant

Document de travail de la Banque Mondiale n°2 sur les prospectives économiques de la région du Levant (Turquie, Syrie, Liban, Jordanie, Irak et Égypte). Les deux textes sont en langue anglaise. Site web http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/2014/03/19705527/over-horizon-new-levant

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pape_françois_patriarche_bartholomée_rencontre_turquie_imageLe Pape François et le Patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée se sont engagés dimanche à « intensifier leurs efforts pour la promotion de la pleine unité entre tous les chrétiens et surtout entre catholiques et orthodoxes». Après la liturgie, dans l’église Saint-Georges à Istanbul, les deux ont signé ensemble une déclaration commune, comme ils l’avaient déjà fait lors de leur dernière rencontre, en mai dernier à Jérusalem. Dans le détail de leur appel, ils soutiennent « le dialogue théologique promu par la Commission mixte internationale, qui, instituée il y a exactement 35 ans par le Patriarche œcuménique Dimitrios et par le pape Jean-Paul II, traite actuellement les questions plus difficiles qui ont marqué l’histoire de [leurs] divisions et qui demandent une étude attentive et approfondie ».

L’Irak et la Syrie ont été dans les pensées du Pape et du Patriarche. Liés par un « œcuménisme de la souffrance », François et Bartholomée se sont unis dans le désir de paix et de stabilité en Irak, en Syrie et dans tout le Proche-Orient. Ils ont fait savoir leur «volonté de promouvoir la résolution des conflits par le dialogue et la réconciliation».

Pape François et le Patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée ont invité la communauté internationale à intensifier leur engagement «pour les communautés qui souffrent et leur permettent, y compris aux communautés chrétiennes, de rester sur leur terre natale ». Le Pape et le Patriarche ne peuvent pas se « résigner à un Moyen-Orient sans les chrétiens qui y ont professé le nom de Jésus pendant deux mille ans ». « Comme leaders chrétiens », les deux hommes ont exhorté « tous les leaders religieux à poursuivre et à renforcer le dialogue interreligieux et à accomplir tout effort pour construire une culture de paix et de solidarité entre les personnes et entre les peuples ». Le Pontife et le Patriarche Bartholomée reconnaissent « donc aussi l’importance de la promotion d’un dialogue constructif avec l’Islam, basé sur le respect mutuel et sur l’amitié ». En parlant de conflits, la déclaration commune n’a pas oublié d’évoquer l’Ukraine.

La première partie de la visite du Pape François en Turquie a été essentiellement consacrée aux rencontres protocolaires et officielles. Mais, si le Saint-Père est venu en Turquie il a été surtout pour rencontrer encore une fois le Patriarche Bartholomée, participer à ses côtés aux festivités de la fête de Saint-André et pour renouveler la pleine communion avec les Églises orthodoxes. Mais, cette « pleine communion» ne signifie « ni soumission l’un à l’autre, ni absorption, mais plutôt accueil de tous les dons que Dieu a donnés à chacun», a tenu à préciser le Pontife.

Antonio Torrenzano

 

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dimitar_dilkoff_afp_femme_kurde_imageDepuis le 16 septembre 2014, la ville de Kobané est assiégée par l’organisation terroriste de l’État islamique. Kobané est la troisième ville kurde de la Syrie à la frontière avec la Turquie. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) plus de 300.000 habitants ont fui la ville, dont plus de 200.000 personnes sont parties en Turquie et d’autres milliers en Irak. L’État islamique se polarise sur ce lieu «afin d’assiéger les combattants des Unités de protection du peuple kurde (YPG) dans la ville, couper leur route d’approvisionnement et les empêcher d’évacuer leurs blessés vers la Turquie», comme affirme l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Retour sur les dates clés de la bataille entre les jihadistes et les combattants kurdes pour la domination de la ville de Kobané dans le nord de la Syrie :

16 septembre 2014 : les jihadistes de l’EIIL, qui ont proclamé un califat sur les vastes régions qu’ils contrôlent à cheval entre la Syrie et l’Irak, lancent une offensive contre la ville de Kobané, à la frontière avec la Turquie.

19 septembre 2014 : les jihadistes effectuent une percée fulgurante, prenant le contrôle d’une soixantaine de villages kurdes en deux jours, autour de Kobané. Les combattants kurdes battent en retraite, car le rapport de force leur est défavorable.

23 septembre 2014 : les États-Unis aidés de leurs alliés arabes engagent pour la première fois le combat contre les jihadistes de l’EIIL en Syrie en ouvrant un nouveau front dans la guerre contre ce groupe ultra radical.

5 octobre 2014 : Une femme mène un attentat suicide contre une position de l’EIIL à l’est de Kobané. Il s’agit du premier attentat suicide connu d’une combattante kurde contre ce groupe, lui-même familier de ce type d’attaque asymétrique.

6 octobre 2014 : les jihadistes entrent dans Kobané par l’est. Selon l’OSDH il y a une “guérilla urbaine”. En Turquie, début de manifestations violentes de milliers de jeunes kurdes pour dénoncer le refus d’Ankara d’intervenir militairement pour aider les combattants à Kobané (on compte au moins 34 morts au total).

7/8 octobre 2014 : des avions de la coalition dirigée par les États-Unis mènent plusieurs frappes pour aider les forces kurdes à freiner l’avancée des jihadistes dans la ville de Kobané. Des combats se poursuivent dans plusieurs quartiers entre combattants kurdes et jihadistes.

10 octobre 2014 : le chef du principal parti politique kurde de Syrie, le Parti de l’union démocratique (PYD), presse la Turquie de laisser passer des armes destinées aux forces qui défendent Kobané. Les jihadistes s’emparent du QG des forces kurdes dans Kobané, qui comprend le complexe militaire des Unités de protection du peuple (YPG, principale milice kurde syrienne), la base des Assayech (forces de sécurité kurde) et le siège du conseil local de la ville. L’ONU met en garde contre un “massacre” si la ville tombe aux mains des jihadistes.

13 octobre 2014 : les jihadistes atteignent pour la première fois le centre de Kobané. “Ils contrôlent désormais la moitié de la localité” (OSDH).

14 octobre 2014 : Les dernières frappes menées par les avions américains et saoudiens ont “freiné la progression de l’EIIL” dans Kobané (armée américaine). Le président François Hollande estime que la Turquie doit “absolument ouvrir” sa frontière avec la Syrie pour permettre d’aider les défenseurs kurdes de Kobané.

15 octobre 2014 : des combats se poursuivent dans Kobané, où les forces kurdes aidées de frappes de la coalition ont repris aux jihadistes deux positions dans le nord de la ville (OSDH).

– 20 octobre 2014 : la coalition internationale lance sur Kobané munitions, armes légères et d’autres approvisionnements.

– 24/25/26 octobre 2014 : les forces kurdes en défendant la ville syrienne de Kobané repoussent un nouvel assaut des jihadistes du groupe de l’État islamique dans l’attente des premiers renforts de peshmergas irakiens. Pour la quatrième nuit consécutive, les jihadistes avaient essayé de prendre le quartier du nord de Kobané proche de la frontière avec la Turquie.

Antonio Torrenzano

 

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fillette_camp_zaatri_jourdanie_imageLa secrétaire générale adjointe des Nations Unies aux affaires humanitaires, Valerie Amos, a encouragé la communauté internationale à renforcer le soutien aux efforts pour apporter d’assistance humanitaire aux personnes déplacées en Syrie et aux réfugiés syriens dans les pays voisins avant l’arrivée de l’hiver dans la région. Après d’une visite au camp de réfugiés de Suruc, qui héberge au moment présent 5.000 personnes, Valerie Amos a marqué sa consternation par rapport aux situations des individus qu’elle a rencontrés. « J’ai rencontré une femme qui avait d’abord dû fuir la ville de Homs vers Kobané et ensuite de Kobané vers Suruc. Elle était désespérée et craignait pour les perspectives d’avenir de ses enfants ».

À présent, il y a 900.000 réfugiés syriens enregistrés en Turquie, et le nombre total pourrait être le double selon les estimations. « Près de 200.000 réfugiés syriens ont fui la ville de Aïn Al-Arab (ou Kobané) pour se rendre en Turquie au cours des dernières semaines et les autorités turques ont apporté une aide immédiate », a déclaré la Secrétaire générale adjointe dans un communiqué de presse. « Plus de trois millions de Syriens ont fui leur Pays et ils ont tenté de trouver un refuge dans les pays voisins dont 1,1 million au Liban ce qui représente un tiers de la population. 619.000 sont enregistrés en Jordanie, mais le nombre réel est beaucoup plus élevé», a-t-elle ajouté en soulignant que près de 10 millions de Syriens ont été déplacés soit à l’intérieur du pays, soit dans d’autres nations.

Enfin, selon le HCR et l’UNICEF, les enfants représenteraient la moitié de l’ensemble des réfugiés du conflit en Syrie. La plupart sont arrivés au Liban, en Jordanie, en Turquie, en Iraq et en Égypte. Les derniers chiffres montrent que plus de 768,000 enfants réfugiés syriens ont moins de onze ans. Les bouleversements physiques, la peur, le stress et les traumatismes qu’ont vécus tant d’enfants ne représentent qu’une partie de cette crise humaine. Les deux organisations ont aussi mis en avant les menaces de travail, de mariage précoce et le risque d’exploitation sexuelle et de traite pesant sur les enfants réfugiés. Les jeunes de Syrie sont en train de perdre leurs foyers, des membres de leurs familles et leur avenir.

Antonio Torrenzano

* Dans l’image du photoreporter Laban Mattei de l’UNHCR, une fillette hébergée au camp de réfugiés de Zaatri en Jordanie.

 

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kobané_femme_kurde_quittelaville_imageNous assistons avec tristesse à l’œuvre meurtrière d’Etat islamique, continue à répéter plusieurs fois Cafer Seven, un Kurde turc témoin des bombardements depuis le poste-frontière turc de Mursitpinar. Nos frères sont dans une situation très difficile, c’est très violent. C’est un massacre commis sous les yeux du monde entier, affirme un autre témoin des combats, Burhan Atmaca. Pourquoi le monde reste-t-il silencieux alors que les Kurdes sont massacrés ? Lui non plus n’espère rien de la Turquie : nous n’avons plus confiance dans la Turquie, nous allons devoir nous débrouiller tout seuls, déplore-t-il. Les réticences du gouvernement turc montrent l’hostilité de l’État turc envers les Kurdes.

Sans intervenir militairement, la Turquie surveille de près la situation. Des responsables kurdes ont dénoncé cette passivité, accusant Ankara de laisser faire les jihadistes, au moment dont la presse britannique rapportait que les 46 otages turcs libérés fin septembre par l’EI pourraient avoir fait l’objet d’un échange contre 180 jihadistes, dont plusieurs seraient originaires de pays européens.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), la ville de Kobané s’est «vidée à 90% de ses habitants» et les villages environnants sont désormais «quasiment déserts et contrôlés par l’EI. Terrorisés par l’avancée des djihadistes, des centaines de civils résidant dans les Quartiers Est ont fui vers la Turquie voisine», a-t-il précisé l’Observatoire. Selon l’OSDH, il ne resterait que quelques milliers de civils à Kobané, qui comptait 70.000 habitants avant la guerre et avait accueilli un nombre équivalent de réfugiés. S’ils conquièrent Kobané, les djihadistes de l’État islamique s’assureront le contrôle sans discontinuité d’une longue bande de territoire à la frontière syro-turque.

La coalition américano-arabe, qui a entrepris ses raids en Syrie le 23 septembre, n’a mené qu’un nombre limité de frappes dans le secteur, ne permettant pas d’arrêter l’avancée de l’EI. Les raids sont insuffisants pour battre les terroristes au sol, a déploré un responsable kurde, Idris Nahsen, réclamant des armes et des munitions. L’offensive de l’EI dans la région a déjà fait des centaines de morts dans les deux camps depuis le 16 septembre et poussé à la fuite quelque 300.000 habitants, dont 180.000 ont trouvé refuge en Turquie.

Antonio Torrenzano

 

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réfugiés_kurdes_kobané_imageL’État islamique qui est actuellement bombardé par la coalition internationale à Raqa et Deir Ezzor dans le nord-est de la Syrie, et combattue par les peshmergas en Irak semble vouloir consolider ses positions autour de Kobané.

Cette troisième ville du Kurdistan syrien se retrouve à présent au cœur d’une bataille stratégique. Perdre Kobané aurait de graves conséquences pour presque deux millions de Kurdes syriens qui vivent dans la région. D’ores et déjà 140.000 d’entre eux, majoritairement des femmes et des enfants, ont dû fuir la menace jihadiste en trouvant refuge en Turquie. S’ils prenaient la ville de Kobané, les djihadistes contrôleraient une longue bande territoriale continue au nord de la Syrie, le long de la frontière turque. La ville de Kobane est donc importante pour sa position géographique et stratégique. Si Kobané tombe, la continuité territoriale kurde risquerait d’être rompue.

Sur le terrain, le rapport de force est actuellement favorable à l’État islamique. En progressant vers Kobane, les jihadistes ont gardé toute leur force de pénétration. Avec leurs chars, blindés et artilleries, ils sont bien équipés autant qu’une armée régulière. En face d’eux, les troupes kurdes disposent d’un armement obsolète et quasiment inefficace contre leur ennemi. Les États-Unis, qui poursuivent également les frappes en Irak pour aider les troupes fédérales et kurdes à repousser les djihadistes, ont prévenu qu’il ne serait «ni facile, ni rapide» de venir à bout de ce groupe extrémiste sunnite qui occupe désormais de larges portions de territoires en Syrie et en Irak.

Durant les derniers jours, les Kurdes syriens avaient demandé à la coalition internationale de frapper les positions de l’organisation État islamique situées aux portes de Kobané. La réponse avait été négative parce que la coalition ne pouvait pas mener des bombardements à l’aveugle. Les raids aériens en effet nécessitent un travail de reconnaissance et de renseignement qui peut prendre beaucoup de temps : les combattants de l’État islamique ne se déplacent plus en larges groupes à ciel ouvert, mais se dispersent pour éviter d’être frappés depuis les airs, selon le pentagone. Selon des témoignages sur le terrain, les raids menés par la coalition ne sont pas encore efficaces.

Pour aider la ville de Kobané, des volontaires kurdes du monde entier sont en train d’y arriver. Abdullah Ocalan, le chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a lancé un appel à la mobilisation générale. Des volontaires, hommes et femmes, venus de Turquie, d’Europe, d’Asie, mais aussi des États-Unis ont répondu à l’appel et arrivent en grand nombre à Kobané pour combattre les jihadistes. L’assaut pour prendre Kobané, lancé le 16 septembre, il a entraîné un exode de la population, au moins 160.000 personnes ayant traversé la frontière pour se réfugier en Turquie. Près de 70 villages ont été pris par les djihadistes sur le chemin menant à Kobané. La Turquie, qui a renforcé son dispositif militaire au poste-frontière de Mursitpinar, a finalement déposé un projet de mandat autorisant l’intervention de son armée en Irak et en Syrie, aux côtés de la coalition internationale menée par Washington et à laquelle participent à différents niveaux une cinquantaine de pays. Le parlement turc débattra jeudi l’étude d’intervention.

Antonio Torrenzano

 

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réfugiés_frontière_syroturque_imageDepuis quelques mois, les États-Unis, plusieurs pays européens, mais aussi la Turquie, le Canada et l’Australie multiplient les consultations pour trouver les possibles solutions, y compris par des moyens militaires, au défi posé par l’État islamique.

Sur le terrain, l’État islamique continue son avancée. Depuis dimanche, les jihadistes assiégeaient une ville-clé kurde syrienne à la frontière turque : Aïn al-Arab, après avoir pris une soixantaine de villages à la suite d’une offensive fulgurante qui a poussé à la fuite des dizaines de milliers de Kurdes syriens vers la Turquie. La prise d’Aïn al-Arab, troisième agglomération kurde de Syrie, est cruciale pour l’EI car elle lui permettrait d’administrer une large portion de la frontière syro-turque sans discontinuité.

Fort de quelque 35.000 hommes recrutés dans plusieurs pays, notamment occidentaux, ce groupe ultra radical sunnite continue de s’emparer de régions en Syrie comme en Irak, malgré l’annonce prise au sommet de Paris par la communauté internationale de détruire cette organisation par une large coalition. Selon le chef de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, la ville d’Ain al-Arab est «totalement assiégée». Ils «ont encore progressé et se trouvent à certains endroits à une dizaine de kilomètres seulement d’Ain al-Arab». Ces affrontements ont fait déjà au moins 39 morts. «La grande majorité des jihadistes tués sont des non-Syriens, dont des Tchétchènes et des ressortissants du Golfe», selon M. Abdel Rahmane.

Devant l’intensité des violences et les craintes des exactions des jihadistes, les civils kurdes de la ville et de ses environs, qui comptaient quelque 450 000 habitants avant les violences, continuaient de fuir vers la Turquie, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Depuis vendredi, quelque 70.000 civils kurdes ont déjà trouvé refuge dans ce pays, selon le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR). Haut Commissariat qui a aussi évoqué l’arrivée de centaines de milliers de personnes supplémentaires. De sa part, le tout nouveau Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU le Jordanien Zeid Ra’a al Hussein a mis en garde la communauté internationale d’un possible nettoyage ethnique.

Mais en Irak, les djihadistes de l’État islamique ne combattent pas seulement les personnes. Ils luttent également contre tout ce qui représente pour eux le mal. Comme les taliban afghans qui ont détruit nombre de représentations de Bouddha à travers le pays, l’EI s’attaque aux monuments qui ne cadrent pas avec sa doctrine. Les destructions d’édifices religieux se multiplient ainsi. Des bâtiments chrétiens sont visés par l’État islamique, comme à Mossoul, où l’archevêché des syriaques catholiques a été incendié. Des mosquées chiites et sunnites sont aussi dynamitées. L’EILL a même institutionnalisé ces destructions dans sa charte. L’article 13 stipule que les sculptures de Mossoul sont condamnées à disparaître, car elles ont été adorées avant l’Islam. Ces disparitions sont une perte immense pour le patrimoine archéologique irakien et pour toute l’Humanité.

Antonio Torrenzano